Les déserts médicaux semblent s’imposer en ce moment comme un enjeu des prochaines élections et ce sont les jeunes et futurs médecins qui en font les frais. Ces dernières semaines, les parlementaires multiplient les initiatives, propositions de loi, amendements, questions au gouvernement… pour imposer des mesures de régulation à l’installation des médecins.
En fin de semaine dernière, une quarantaine de députés a déposé une proposition de loi qui prévoit notamment : une obligation d’exercer trois ans en zone sous-dotée, le conventionnement sélectif, le départ d’une zone sous-dense conditionné à un préavis d’un an, etc.
Amendement supprimé dans le PLFSS
Un mois plus tôt, c’est une autre proposition de loi « pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale », déposée par des députés communistes, qui souhaitait elle aussi mettre en place le conventionnement sélectif, rendre obligatoire le contrat d’engagement de service public (CESP), ou encore territorialiser les capacités d’accueil des formations en médecine sans tenir compte des capacités de formation du système universitaire. Cette dernière doit être examinée mercredi en commission.
Dans le même temps, comme c’est souvent le cas, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2022 a lui aussi été propice à des tentatives pour remettre la question de la coercition sur la table. Les sénateurs avaient réussi à faire adopter un amendement qui prévoyait de contraindre les nouveaux médecins à un remplacement de six mois en zone sous-dense pour être conventionnés.
Premier soulagement pour les futurs médecins, cet amendement vient d’être supprimé lors de l’examen en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, avec deux amendements déposés par Thomas Mesnier et Jean-Pierre Door notamment.
Victoire !
— ISNAR-IMG (@ISNARIMG) November 21, 2021
L'amendement du #PLFSS2022 obligeant les jeunes médecins à exercer 6 mois en zone sous-dense avant de pouvoir se conventionner a été supprimé par la Commission des Affaires Sociales @AN_AfSoc.
Nous remercions notamment @MESNIERThomas et @doorjean pour leur soutien. pic.twitter.com/tCxQbSxoUb
Mais ce soulagement est de courte durée, et les jeunes médecins vont devoir rester attentifs dans les semaines à venir, car même le gouvernement semble s’inviter dans les débats en proposant de mettre en application des mesures qui n’ont pourtant pas été votées.
En effet lors des questions d’actualité au Sénat, le premier ministre Jean Castex a répondu au sénateur socialiste Patrick Kanner sur l’application d’un article de la loi Santé de 2019 qui voudrait que les internes en médecine générale finissent leurs études par six mois de stage obligatoire dans les déserts. Jean Castex assure qu’un décret d’application permettra de mettre en œuvre ce dispositif d’ici le printemps prochain.
Sauf que ce n’est pas tout à fait ce qui a été voté dans la loi de juillet 2019.
Si à l’époque, les sénateurs avaient voulu imposer six mois en autonomie aux internes en déserts, finalement la commission mixte paritaire s’était mise d’accord sur six mois en autonomie supervisée (donc en Saspas). Et l’article 2 de la loi précise qu’il devra être fait « en priorité » dans les zones sous-denses, mais sans caractère obligatoire donc.
À l’époque, la DGOS avait expliqué que le dispositif s’appliquerait aux internes qui débutent leur troisième année en novembre 2021, tout en précisant : « l'adoption de ce texte nous renvoie la responsabilité de développer les terrains de stage et la maîtrise de stage ».
Les enseignants en soutien des futurs médecins
Sans doute portés par les échéances électorales et la pression des citoyens sur l’accès aux soins, les élus font donc feu de tout bois en ce moment sur la régulation, obligeant les futurs médecins à redire le caractère contreproductif et délétère de telles mesures.
Ces derniers peuvent aussi compter sur leurs aînés, à l’image des syndicats séniors comme l’UFML-S et MG France qui ont dénoncé dans des communiqués ces mesures. Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) s’est lui aussi exprimé sur le sujet ce lundi dans un communiqué.
Il dénonce à son tour des mesures « injustes et contre-productives ». Injustes car elles consistent à changer les règles en cours de cursus et contre-productives car la carence est globale sur l’offre de soins, « les zones sur-denses en médecine générale n’existent donc pas ».
Alors que ces dernières années la spécialité médecine générale gagne en popularité, le CNGE estime même que ces propositions auraient un effet néfaste sur l’attractivité de la discipline et conduiraient donc à une baisse du nombre de médecins généralistes formés. Pour les enseignants, la solution réside dans « l’augmentation du nombre de stages ambulatoires et l’accompagnement des projets professionnels des étudiants ».
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