Quinze jours à peine après la publication d’un rapport de l’Ordre sur l’état de santé des jeunes médecins, un nouveau drame vient d’endeuiller la communauté médicale en Aquitaine. Alors en stage dans un service de neuropédiatrie, une interne s’est donné la mort, mercredi semble-t-il, à Bordeaux. Ce drame a suscité « un grand émoi au sein de l’hôpital des enfants du CHU de Bordeaux », précise la direction de l’établissement qui indique avoir mis en place, dès le lendemain, un accompagnement psychologique pour les personnels médicaux et paramédicaux. Soulignant que la jeune femme était « une personne avant d’être une interne », le CHU indique que « cette affaire est vraisemblablement d’ordre personnel et privé ».
La question du temps de travail
« C’est un drame qui fait se poser des questions », souligne Racha Onaisi, même si pour l’instant « on n’a pas beaucoup d’information, l’enquête suit son cours ». D’après la présidente du SIMGA, le syndicat d’internes en médecine générale d’Aquitaine, dans sa région et comme partout ailleurs, « beaucoup de services ne respectent pas la législation et ont des soucis avec le repos de sécurité. Le décret sur le temps de travail est trop peu respecté », déplore-t-elle. Un constat que confirme l’étude ordinale selon laquelle « le temps de travail déclaré reste très majoritairement supérieur à 48 heures hebdomadaires », durée fixée par une directive européenne. Et les auteurs du rapport supervisé par le Dr Jean-Marcel Mourgues de noter que « le lien entre le temps de travail et la qualité de l’état de santé est puissant ».
Il n’est jamais aisé de déterminer la part prise par les conditions de travail dans la survenue d’un tel drame. Mais force est de constater qu’il existe un certain mal-être chez les internes, à Bordeaux notamment. « Le travail, tel qu’on le fait, le favorise », assure une interne ayant côtoyé la défunte. Pour cette jeune bordelaise, le problème ne vient pas tant du faire « d’être plus fragile » que de la « maltraitance au travail ».
Une détresse diffuse
« J’ai l’impression que ça n’est pas si rare que ça », confie-t-elle à propos de la détresse éprouvée dans les rangs de l’internat. À propos du tragique événement, cette interne en médecine générale raconte, encore sous le coup : « on l’a appris un matin, en arrivant à l’hôpital où on nous a expliqué qu’il faudrait qu’on s’organise pour les gardes, on n’a jamais eu plus de nouvelles ». À défaut, les internes ont commencé à se livrer sur leur propre situation. « Le fait que quelqu’un se soit suicidé ouvre la discussion », décrypte-elle. Elle a d’ailleurs appris, à cette occasion, qu’un interne en médecine générale avait fait une tentative de suicide, l’année dernière, à Villeneuve-sur-Lot. Et qu’il arrive à l’une de ses camarades, « très joviale », de pleurer quand elle rentre chez elle…
Pour cette jeune bordelaise, le problème ne vient pas tant du faire « d’être plus fragile » que de la « maltraitance au travail ». « C’est difficile : on essaie de faire au mieux, on est encore en apprentissage, on a la pression par rapport à ce qu’on fait », ce à quoi il faut ajouter « des horaires considérables et illégaux ». Après une vingtaine de jours consécutifs passés à l’hôpital, avec un dimanche de repos en tout et partout, elle-même a eu la sensation, il y a une dizaine de jours, d’être en burn-out, angoissée le matin à l’idée d’aller travailler. « De base, on sait qu’on va faire des grosses journées » détaille celle pour qui les difficultés sont davantage « inhérentes au statut d’interne » et viennent du mode de fonctionnement, « un système archaïque » à ses yeux.
Témoigner n’est pas simple. « Je n’aime pas cette idée que je me plains alors que j’aime vraiment ce que je fais », ajoute la future généralise, « mais je pense qu’il y a des choses qui peuvent changer ». À commencer par ouvrir des espaces de dialogue, pour pouvoir parler des difficultés rencontrées.
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