LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous nous résumer votre parcours ?
Johann Reisberg : Je suis interne à Paris où je finis mon deuxième semestre en cardiologie à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, après un premier stage en médecine vasculaire à l’hôpital Saint-Joseph. Tout se passe très bien, je suis très satisfait.
Antonio Amaral : J’ai fait mes études de médecine à Paris, et je suis arrivé à Brest pour l’internat. J’y ai passé ma thèse en 2002, et j’ai continué là-bas comme chef de clinique. J’ai ensuite été PH à Douarnenez puis à Quimper, et depuis 2020, j’exerce en libéral à la clinique Keraudren de Brest.
Dans le vaste champ qu’est la cardiologie, quelles sont vos principales activités ?
A.A. : J’ai fait diverses choses, au hasard des portes qui s’ouvrent. Je n’ai pas fait de coronarographie, mais de l’imagerie au sens large : IRM, scanner. J’aime le côté technologique, informatique de l’imagerie. Je fais aussi un peu de stimulation, et pas mal de clinique…
Qu’est-ce qui vous a guidé vers cette spécialité ?
J.-R. Le cœur est un organe unique, qui m’a toujours passionné. Il a une activité électrique, une activité mécanique, tout est interconnecté, la physiologie et la physiopathologie sont primordiales… J’ai beaucoup hésité avec la dermatologie et l’hématologie, qui sont des spécialités plus transversales, mais où l’on retrouve, comme en cardiologie, beaucoup de sémiologie. Mais le cœur est un organe si complet, si complexe, c’est un monde dans un monde qui, de plus, a des corrélations avec tous les organes, et donc une certaine transversalité.
A.A. : J’ai sans doute fait médecine par hasard : la principale raison, c’est probablement que j’ai eu le concours ! J’étais aussi inscrit ailleurs, notamment en médecine vétérinaire, mais comme j’étais pris en médecine, c’est là que je me suis orienté. Une fois qu’on a réussi le concours, on a du mal à ne pas y aller… Quant à la spécialité, je cherchais une spécialité médico-technique, et elles ne sont pas très nombreuses. J’ai un peu hésité avec la médecine d’urgence, mais le choix a été rapidement fait.
Dr Amaral, la cardiologie n'est donc pas une vocation ?
A.A. : Non. J’aime beaucoup, c'est très intéressant, mais mes passions sont ailleurs.
Johann Reisberg, savez-vous déjà vers quel type d’exercice vous pensez vous orienter ?
J.-R. Je n’ai pas encore fait énormément de stages, et il y a certains aspects de la spécialité que je n’ai pas encore suffisamment vus. Mais j’ai pu notamment faire de l’imagerie, et cela m’intéresse tout particulièrement. Il est donc possible que je m’oriente vers de l’imagerie cardiovasculaire avancée, en corrélation avec de nouvelles surspécialités comme la cardio-oncologie ou le cardio-internisme, par exemple. Mais rien n’est dit !
Imaginez-vous plutôt un exercice hospitalier ou libéral ?
J.-R. La carrière hospitalo-universitaire m'intéresse, j’ai fait un master de recherche, mais l’idéal serait d’avoir un exercice mixte : faire de la recherche, se former avec des technologies de pointe, et coupler cela avec une activité libérale pour avoir un suivi des patients. Je pense que c’est aussi une manière de favoriser le lien ville-hôpital, car ces deux univers sont à mon sens trop souvent dissociés.
Les tensions que connaît actuellement le système de santé en général, et l’hôpital en particulier, sont-elles pour vous une source d’inquiétude pour votre orientation ?
J.-R. Pour l’instant, je n’ai pas été confronté à des problèmes majeurs. Et de toute façon, ce qui se passe à l’hôpital public a des conséquences sur toutes les spécialités, sur toutes les pratiques. Donc bien sûr, j’ai vu que pour décharger d’autres services on prenait parfois en cardiologie des patients qui ne relèvent pas forcément vraiment de la cardiologie. Mais ce sont des choses globales, très connues, et qui n’arrivent pas uniquement dans ce domaine.
Et vous, Dr Amaral, pourquoi êtes-vous passé de l’exercice hospitalier à l’exercice libéral ?
A.A. : J’avais commencé par l’exercice hospitalier qui était le plus simple, même si ce n’était pas forcément le plus facile. Je ne voulais pas m’installer en ville, je n’avais pas très envie du côté entrepreneurial, ni du côté administratif : gérer le personnel, etc. Je suis donc resté un certain nombre d’années à l’hôpital, mais je trouve que les administratifs y ont pris beaucoup plus de poids ces dernières années. Par ailleurs, sans que l’exercice hospitalier soit devenu intrinsèquement moins intéressant, de nombreuses portes se sont ouvertes, et il est devenu de plus en plus facile de faire des choses intéressantes en libéral. Aujourd'hui, je travaille moins que lorsque j’étais à l’hôpital, et j’ai aussi moins d’administratif car je suis dans une structure où cet aspect est géré par des employés.
La cardiologie a la réputation d’être une spécialité plutôt rémunératrice, est-ce pour vous l’un de ses attraits ?
A.A. : Je précise que je suis en libéral en secteur 1. C’est un mode d’exercice où l’on gagne correctement sa vie, mieux qu’à l’hôpital, où on la gagne déjà assez bien. Quant au secteur 2, je ne peux pas en parler, je n’en ai pas l’expérience…
J.-R. C’est une question qui revient souvent. Effectivement, c’est une spécialité bien rémunérée, et il est naturel qu’après avoir vécu un internat qui a la réputation d’être long, difficile et compliqué, on ait envie de penser à sa vie de famille et on veuille réussir. Cela joue dans le choix de certains internes, mais il ne faut pas choisir une spécialité uniquement pour l’argent. En cardiologie, la qualité de vie peut aussi être très difficile, et il faut bien réfléchir.
Justement, pensez-vous que la cardiologie vous permettra d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle ?
J.-R. Je l’espère doublement, car il se trouve que mon épouse est elle aussi interne en cardiologie ! Tout dépend de l’orientation qu’on choisit. Certains aiment faire beaucoup de gardes, apprécient ce petit peps qu’il y a dans l’urgence : être toujours en alerte, c’est quelque chose qu’on recherche parfois. Mais d’autres préfèrent prendre davantage de temps. C’est aussi l’avantage de cette spécialité, qui permet de choisir.
Dr Amaral, comment avez-vous vu la spécialité évoluer au cours de votre carrière ?
A.A. : Elle s’est surtout modifiée par l’apparition de surspécialités. Il y a 20 ans, on pouvait encore espérer tout faire. Aujourd'hui, c’est devenu illusoire. Et depuis mon internat, je dois dire que j’ai assisté à beaucoup d’évolutions technologiques, que ce soit les valves aortiques, les procédures d’ablation… Il est devenu difficile de tout suivre, même si je me tiens au courant avec les sociétés savantes, les congrès, les revues…
Johann Reisberg, le côté technologique de la spécialité est-il un aspect qui vous attire ?
J.-R. À 100 % ! La recherche est majeure, la maladie cardiovasculaire est l’une des premières causes de mortalité, et il y a beaucoup de postes fondés sur la recherche, ce qui m’attire tout particulièrement. La spécialité évolue très rapidement avec de plus en plus de dispositifs médicaux connectés à de l’intelligence artificielle, par exemple, ou encore des dispositifs de moins en moins invasifs. Il y a une place majeure pour l’imagerie, pour la téléconsultation, et je pense que la cardiologie est l’une des spécialités où l’on verra dans les années à venir le plus d’innovations technologiques.
Comment imaginez-vous la transformation de votre spécialité dans les années qui viennent ?
A.A. : Je pense qu’il va y avoir d’importantes évolutions du côté de l’informatisation. C’est un domaine dans lequel nous sommes en retard par rapport à ce qui peut se faire dans d’autres domaines d’activité : nous n’avons toujours pas de dossier patient informatisé qui permette de communiquer efficacement entre deux sites, ce qui fait qu’on est souvent amenés à tout reprendre depuis le début, à refaire les examens complémentaires. Par ailleurs, je pense que l’intelligence artificielle prendra de plus en plus de place : les systèmes seront probablement plus efficaces que nous pour faire des diagnostics simples. Et il y a les appareils connectés (montres, etc.), dont il est difficile de prévoir l’importance à l’avenir.
Que diriez-vous à un jeune externe qui hésiterait à faire un internat de cardiologie ?
A.A. : C’est une spécialité qui a une évolutivité intéressante, à mon sens. Et c’est extrêmement vaste. On ne peut pas faire toute la cardiologie, c’est devenu mission impossible : il y a le côté percutané, le côté stimulation, le traitement de l’arythmie, l’imagerie… Cela fait au moins quatre spécialités en une, qui ont chacune des procédures de plus en plus compliquées. Sans compter qu’il faut aussi des gens pour faire de la cardiologie généraliste et voir les patients au cabinet.
PARCOURS
Antonio Amaral, cardiologue libéral à Brest
1995 - Interne en cardiologie à Brest
2002 - PH à Douarnenez, puis à Quimper
2020 - Cardiologue libéral à Brest
Johann Reisberg, interne en 2e semestre de cardiologie à Paris
2017 - 1er cycle des études médicales
2022 - ECNi et début d’internat en cardiologie
2023 - Interne en 2e semestre à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre
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