Même à 60 ans, Patrick Grabit se bat toujours pour passer sa thèse de médecine générale. Comme lui, ils seraient au moins une cinquantaine, sans doute plus, anciens résidents qui se sont retrouvés piégés par la réforme du 3e cycle. Tous ces médecins ont réalisé leur troisième cycle avant la réforme de 2004 qui a vu la création des ECN, et le remplacement du résidanat par l’internat en médecine générale. Avec cette nouvelle règle du jeu est passé un décret qui donnait à ces étudiants de « l’ancien régime » qui ne l’avait pas encore fait jusqu’à fin 2012 pour passer leur thèse. Des histoires de vie, des contextes particuliers ont empêché certains de le faire dans les délais et ils se retrouvent aujourd’hui sans titre et dans l’incapacité d’exercer le métier pour lequel ils se sont formés.
Christine a terminé ses études en 1995, elle avait prévu de passer sa thèse dans la foulée mais tombée enceinte de jumeaux elle repousse finalement cette échéance. Après l’accouchement, avec deux bébés en bas âge le besoin de travailler était plus important. Elle commence donc les remplacements et met de côté sa thèse et en 1998 elle a un troisième enfant. Après avoir emménagé en Bretagne, la mère de famille décide de recontacter l’université de Créteil pour passer sa thèse, mais en même temps on découvre des problèmes psychiatriques graves chez son troisième enfant. Pendant plusieurs années Christine ne peut donc faire « autre chose que m’occuper de ma fille » explique-t-elle.
Des années après la fin de ses études, après avoir stabilisé sa situation familiale, quand Christine veut recommencer à travailler, elle découvre qu’elle n’a plus la possibilité de passer sa thèse. « La faculté ne m’a pas du tout prévenu, je n’ai reçu aucun courrier ». Elle fait une demande de dérogation qui est refusée. « Je me suis formée pour un métier qui me passionnait et aujourd’hui je n’ai pas la possibilité de faire quoi que ce soit qui soit en rapport avec lui », raconte-t-elle. « Je suis bien évidemment prête à faire une remise à niveau, mais aujourd’hui, j'en suis à chercher du travail pour faire du baby-sitting ou de l’aide aux personnes âgées ».
Patrick Garbit était lui interne à Toulouse quand, lors d’un trajet au cours d’une intervention, il a un accident grave. Désormais en fauteuil roulant et après un an de convalescence, il décide de finir sa formation. En 1994, il achève donc ses stages et jusqu’en 1999 il travaille comme « faisant fonction d’interne » dans le service gériatrie du CHU. Pendant plusieurs années, le médecin essayera de passer sa thèse sans jamais aller au bout. Mauvais sujets ou abandonnés à cause de problèmes familiaux graves ou de dépressions; malgré le couperet de fin 2012 dont il a été prévenu par l’université, Patrick Gabrit ne parvient jamais à passer sa thèse. « Il est vrai aussi que mon handicap a contribué à mon découragement » explique-t-il. À 60 ans, l’Isérois voudrait aujourd’hui simplement « conclure une situation » vieille de plus de 20 ans.
Des histoires comme celles de Christine et Patrick, il y en aurait donc des dizaines d’autres. Certains ont même pu passer leur thèse, mais on refuse de leur donner leurs diplômes. Une cinquantaine s’est réunie pour essayer de faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics, pour l’instant toujours sans succès. Épaulés par le SNJMG tous leurs recours ont pour l’instant échoué, même le Conseil d’État les a déboutés en 2015. « Ce qu’on reproche c’est de ne jamais avoir été informé de ces nouvelles règles du jeu » explique Ida Marina Lanzi, qui fait elle aussi partie des « sans thèses ». Aujourd’hui, c’est le SML qui vient à son tour leur apporter son soutien en espérant faire avancer le dossier. « C’est un gâchis réel. Ce ne sont pas des cas administratifs mais des cas humains » souligne Éric Henry. « On arrive à la fin d’un nouveau mandat et on veut mettre la pression pour que Marisol Touraine revienne sur ce décret avant son départ » ajoute-t-il.
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