28 CHU devant les tribunaux ! Les syndicats d’internes ont décidé d’employer les grands moyens pour que les CHU appliquent enfin la réglementation sur le temps de travail.
L’Isni (l’Intersyndicale nationale des internes), l’Isnar-IMG (Intersyndicale nationale des internes de médecine générale) et la FNSIP-BM (Fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie et en biologie médicale) ont décidé d’attaquer devant le tribunal administratif les 28 CHU. Ils les accusent de ne pas respecter le temps de travail pour la majorité des internes et de ne même pas tenter de le mesurer.
Le 22 juin dernier, le Conseil d’État, dans une série de décisions, appelait les hôpitaux publics à effectuer un décompte « fiable et objectif » du temps de travail des médecins et internes, afin de respecter le plafond légal de 48 heures par semaine.
Une décision dont s’étaient saisis les syndicats d’internes pour envoyer une mise en demeure à près de 400 établissements recevant des internes afin de leur demander de faire respecter le temps de travail, de mettre en place les tableaux de service et le décompte demandé par le Conseil d’État.
« Mépris et bidouillages »
Les syndicats donnaient trois mois aux directeurs de CHU pour agir sous peine d’un recours devant le tribunal administratif. C’est désormais chose faite.
« Nous avons eu quelques réponses, mais elles sont toutes insuffisantes », détaille Théophile Denise, vice-président de l’Isnar-IMG. Il donne notamment pour exemple le cas du CHU de Clermont-Ferrand où il est lui-même interne.
« Il nous a répondu officiellement en disant que c’était une priorité, en promettant des mesures. Mais lors de mon premier jour de stage, le PU-PH responsable d’un des pôles nous a dit : vu que les syndicats ont râlé, on va mesurer le temps de travail. Mais ce que nous allons faire, c’est que lorsque vous faites une journée nous dirons qu’elle fait 7,50 heures, et pour une garde 22,50 heures, relate-t-il. Donc les seules réponses que nous obtenons sont du mépris et des tentatives de bidouillages ».
Le recours a été déposé ce lundi 28 novembre, tous les CHU ont donc été notifiés. Pour les internes l’idée est aujourd’hui de « mettre en jeu tous les leviers à notre disposition », explique Théophile Denise.
Car à côté de ce recours en justice, les internes ont aussi travaillé avec les ministères pour la mise en place de sanctions administratives financières contre les établissements contrevenants.
Des sanctions financières qui se font attendre
Un vieux sujet, mais qui là encore n’avance pas. « Cela fait des années qu’on nous le promet mais on ne voit toujours rien venir. Et le texte qu’on nous a proposé ne nous convient pas », constate le vice-président de l’Isnar-IMG.
En effet, dans les dernières discussions, il était prévu que ces sanctions financières n’arrivent qu’a posteriori d’autres sanctions.
« Il faudrait notamment que le terrain de stage problématique ait déjà reçu une suspension d’agréments pour ensuite envisager une sanction financière. Or, pour les terrains sur lesquels nous faisons des demandes aujourd’hui, les ARS nous répondent qu’ils ne peuvent pas retirer les agréments car sans internes ces services ne peuvent pas tourner », souligne Théophile Denise.
Dans un communiqué, les internes rappellent une nouvelle fois que l’enjeu du temps de travail est essentiel aussi dans la prévention des risques psychosociaux chez les étudiants. En 2021, l’enquête Santé mentale montrait que 75 % des étudiants en médecine présentaient des symptômes anxieux, 67 % des symptômes de burn-out, 39 % des symptômes dépressifs et 19 % des idées suicidaires. « En refusant de prendre au sérieux le dépassement de notre temps de travail, les CHU pérennisent ces conditions », écrivent les internes.
De la main-d’œuvre bon marché
Les syndicats d’internes soulignent également le « cynisme » de la situation.
« Ce temps de travail supplémentaire n’est même pas utilisé à notre formation. Il est là pour compenser le manque de moyens de l’hôpital public. Avec notre salaire, si on fait la moyenne sur nos heures réellement travaillées, notre salaire est de 5,42 euros de l’heure. On nous fait faire du secrétariat, de l’aide opératoire, du brancardage car nous sommes moins chers que le reste des agents hospitaliers. Donc il ne s’agit même pas de voir plus de patients », s’émeut Théophile Denise.
En septembre dernier, le syndicat Jeunes Médecins avait déjà saisi le tribunal administratif contre trois hôpitaux sur ce même sujet du respect du temps de travail.
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