La colère monte chez les maîtres de stage des universités (MSU) de médecine générale. Alors que la quatrième année du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine générale devait incarner un tournant professionnalisant pour les internes et un levier d’amélioration de l’accès aux soins dans les territoires, sa mise en œuvre semble aujourd’hui menacée.
Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et le Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg) dénoncent jeudi 5 juin un « désengagement de l’État » qui pourrait précipiter l’échec de cette réforme annoncée pour novembre 2026. « La réforme est actuellement gravement menacée par la décision du gouvernement de faire supporter aux MSU le fardeau financier de l'accueil des docteurs juniors, mettant ainsi en péril l'équilibre de leurs structures », insistent les deux organisations.
Une réforme en péril ?
Pensée comme une réponse aux besoins croissants des territoires, cette quatrième année devait permettre à 3 700 internes de se former au plus près des réalités du terrain, tout en renforçant leur accompagnement sur la gestion des pathologies chroniques, la coordination des soins ou la prise en charge des situations complexes.
Comme le rappellent le CNGE et le Snemg, les MSU s’étaient massivement déclarés prêts à jouer le jeu. Une enquête nationale conduite par les deux institutions du 5 au 30 mai, qui a recueilli plus de 4 400 réponses, révèle ainsi que près d’un MSU sur deux (45 %) envisageait d’accueillir un docteur junior. Mais cet élan a été refroidi par les récents arbitrages budgétaires de l’exécutif : seuls 16 % des répondants affirment aujourd’hui qu’ils maintiendront leur engagement dans les conditions financières actuelles.
Et pour les MSU installés dans les zones d’intervention prioritaire (ZIP), cette volonté de s’engager passe de 58 % … à 27 %, alors même que ces territoires sont particulièrement ciblés par la réforme.

Les deux organisations pointent des compensations « déconnectées de la réalité ». Le SNEMG précise : « seules les zones sous-denses classées en ZIP, soit 30 % des territoires, bénéficient d’un bonus qui permet aux structures d’accueil de se rapprocher de l’équilibre ». Ailleurs, les structures d’accueil doivent assumer les frais liés aux locaux, au matériel, à la logistique, sans contrepartie suffisante.
« L’annonce faite par le gouvernement est volontairement trompeuse », s’indigne le Snemg, qui accuse l’exécutif de brouiller les lignes en mélangeant les honoraires pédagogiques avec la rémunération pour la participation à la permanence des soins. Et de prévenir : « Une grande majorité de MSU n’acceptera pas d’accueillir des docteurs juniors dans ces conditions car ils n’ont pas vocation à compenser les carences de l’État ».

La tentation hospitalière ?
Pour les enseignants, cette stratégie gouvernementale « rend impossible le recrutement de terrains de stage en nombre suffisant (…) avec le risque d’envoyer la quasi-totalité des docteurs juniors dans les hôpitaux ». Cette orientation hospitalo-centrée est jugée à contre-courant des besoins réels de la population. « Plus de 90 % des territoires ont impérativement besoin de médecins généralistes », rappelle le Snemg.
En privant la médecine de ville d’un rôle central dans la formation des futurs praticiens, les autorités risquent non seulement de renforcer la crise de l’accès aux soins, mais aussi de creuser un peu plus le fossé entre l’enseignement hospitalier et ambulatoire et « créer une inégalité majeure dans la formation des futurs médecins généralistes ».
Face à l’urgence, le CNGE et le SNEMG demandent une « réaction rapide » et un « engagement financier fort » de la part du gouvernement. « En l’absence de réponse, l’État sera alors pleinement responsable de l’échec de cette réforme pourtant essentielle et devra assumer toutes les conséquences de ce fiasco en matière de formation et d’accès aux soins dans tous les territoires », concluent-ils.
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