Avec la baisse de près de 1 000 internes à la rentrée 2024-2025, le fonctionnement des hôpitaux peut-il être particulièrement mis à mal cette année ? Les services hospitaliers doivent-ils s’attendre à des difficultés importantes en matière de ressources humaines, alors qu’une grande partie du système de santé repose justement sur les épaules de ces apprentis médecins ?
La réforme de l’accès à l’internat en cause
À l’approche de la rentrée, les internes et les médecins s'inquiètent de plus en plus des conséquences de la réduction prévue du nombre d'internes. Cette baisse est directement liée à l’entrée en vigueur d’un nouveau concours de l’internat, dont les modalités ont inquiété de nombreux étudiants. Environ 660 d’entre eux ont choisi de redoubler leur cinquième année, plutôt que de se présenter au concours.
À ces redoublants, s'ajoutent environ 250 élèves éliminés dans la phase écrite (les épreuves dématérialisées nationales, EDN) qui, pour la première fois a introduit un principe de note éliminatoire (14/20). Tandis qu’environ 60 carabins n’ont pas décroché la moyenne aux Ecos, seuil pourtant nécessaire pour accéder à la procédure d’affectation.
Vers une dégradation des conditions de travail ?
Marc Noizet, président du syndicat Samu Urgences de France, a exprimé sa préoccupation au micro de France Info le vendredi 16 août, affirmant que cette diminution du nombre d’internes « aura un impact » sur l’hôpital, notamment dans les hôpitaux universitaires, « où 40 % des ressources médicales sont constituées par [eux] ».
Il a averti qu'il pourrait être nécessaire de « compenser avec d’autres ressources » ou de « modifier les organisations » pour garantir le bon fonctionnement des hôpitaux.
Côté étudiant, cette situation suscite également beaucoup d’appréhension. « C’est une très très grosse source d’inquiétude pour l’ensemble des internes, reconnaît Marine Loty, présidente du Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris (SIHP). Les médecins séniors, déjà en sous-effectif, risquent de ne pas pouvoir compenser les manques. Dans ce contexte, nous craignons que nos conditions de travail se détériorent davantage, que nos charges de travail s’alourdissent et que nos horaires s’amplifient. Nous travaillons déjà en moyenne 59 heures par semaine, nous ne pouvons pas faire plus ! »
Avancer à l’aveugle
Si pour l’instant la répartition des internes dans les différents services des hôpitaux de France n’est pas encore définie et dépendra de leurs affectations définitives [les résultats finaux seront publiés le 10 septembre], sur le terrain, les professionnels de santé et les institutions s’activent déjà pour anticiper d’éventuels trous dans la raquette.
« Nous sommes en train de travailler avec l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France pour préparer au mieux la commission de répartition qui aura lieu entre le 20 et le 25 septembre. L’idée est d’avoir une répartition la plus homogène possible sur le territoire, indique Marine Loty. Mais avec 215 postes en moins en Île-de-France, c’est un véritable casse-tête, admet-elle. Il faut que tout ça soit calculé en fonction de l’activité des services [quantité de travail, nombre de passages et de patients, ndlr] sans toutefois amputer d’autres territoires qui ont aussi besoin d’internes. Pour le moment, tout le monde se prépare un peu à l’aveugle et on sait déjà que la balance va être très compliquée à faire, l’ARS aura deux semaines après les résultats définitifs pour statuer », indique Marine Loty.
De leur côté, les coordonnateurs de spécialité d’Île-de-France auraient, eux aussi, été chargés de travailler sur des simulations de répartition de postes d’internes, selon différents scénarios possibles. Une situation loin d’être idéal alors que le système hospitalier fait déjà face à de multiples crises, entre difficultés de recrutement, cybermenaces et engorgement des services d’urgence.
Des alertes dès le printemps
En avril dernier, un groupe de travail transpartisan de l’Assemblée nationale consacré à la thématique des déserts médicaux avait pourtant tenté d’alerter le gouvernement sur « les futurs ravages du nouveau concours de l’internat », pointant le risque d’une chute significative du nombre d’internes à la rentrée prochaine. « À l’été 2024, dans les hôpitaux français, combien d’internes manqueront à l’appel ? », lisait-on dans une lettre signée par plusieurs élus, repartagé depuis sur X (ex-Twitter) par Damien Maudet, député (Haute-Vienne) de La France insoumise (LFI).
Face au tollé, le ministre démissionnaire délégué à la Santé, Frédérique Valletoux, a réagi sur X, dans un post publié le vendredi 16 août, préférant, lui, parler de « petite manipulation de la vérité ». « Les gouvernements ont toujours ajusté le nombre de postes d'internes aux nombres d'étudiants qui passent et réussissent leurs examens (- de 2 % d'échec). 1 500 d'entre eux ont fait le choix de ne pas présenter l'examen. La faute du gouvernement forcément ? », s’est-il défendu.
Contacté par Le Quotidien, le cabinet du ministère de la Santé de la prévention souhaite d’ailleurs relativiser : « Nous aurons très certainement un effet rebond l’an prochain avec plus de candidats car les redoublants passeront le concours ».
À noter que, cette année, les spécialités ont toutes été amputées d’environ 16 % de leurs postes par rapport à l’an dernier.
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