« Il faut que je sorte tous les décrets relatifs à la quatrième année afin que tout le monde puisse s’organiser », a déclaré le ministre de la Santé Yannick Neuder, ce lundi matin, en marge d’un déplacement à la maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) de Châtillon dans les Hauts-de Seine.
Un aveu qui en dit long sur l’urgence à déminer le terrain autour de la réforme controversée de 4A. À deux jours d’une mobilisation nationale des internes de médecine générale qui réclament publiquement le report de la réforme de la 4e année jugée « bâclée » et « précipitée » , le ministre de la Santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, a donc tenté le tout pour le tout pour rassurer les internes et les praticiens.
Objectif 15 000 MSU formés d’ici à novembre 2026
Le premier défi est celui du calendrier. Lors de la rencontre organisée ce lundi avec de futurs « docteurs juniors » de médecine générale et maîtres de stage -MSU), le locataire de Ségur a affiché son intention d’accélérer ou, tout du moins, de rattraper le retard accumulé par ses prédécesseurs, en esquissant des perspectives claires et échelonnées. « La parution des textes qui entourent la 4e année se fera avant l’été, au printemps, disons en avril ou en mai », a-t-il promis, interpellant dans la foulée l’un de ses conseillers en charge de l’enseignement supérieur pour confirmer la faisabilité de cette échéance.
Mais alors que des milliers d’internes en médecine générale sont toujours plongés dans l’incertitude depuis l’annonce de cette réforme de la quatrième année, qu’en sera-t-il réellement ? Les internes présents ont réclamé des réponses précises aux interrogations qui les préoccupent depuis des mois. « Y aura-t-il assez de MSU pour nous encadrer d’ici à novembre 2026 ? Y aura-t-il suffisamment de places dans les locaux ? Où allons-nous être affectés ? Comment serons-nous rémunérés ? », a lancé, sceptique, une interne en médecine générale de Lille.
Souriant et pédagogue, le cardiologue de formation a tenté de déminer le sujet, tout en voyant le verre à moitié plein. « Je suis d’un naturel optimiste et je pense que, pour recruter, il faut évidemment que le statut de maître de stage soit attractif d’un point de vue financier (…) mais je pense aussi que cette quatrième année peut faire tenir des généralistes plus longtemps. Beaucoup de mes collègues pourraient retarder leur départ à la retraite en restant en temps partiel et en encadrant un Dr junior de médecine générale, a-t-il avancé. S’adressant aux internes face à lui, le ministre de la Santé a une nouvelle fois tenu à rassurer : « L’idée n’est évidemment pas que vous soyez livrés à vous-même sur un territoire que vous ne connaissez pas ! »
Preuve de sa bonne foi, le ministre a annoncé un « comité de suivi » dédié à la mise en place de la 4e année d’internat de médecine générale. Le Dr Guillaume Bailly, ex-président de l’Isni, est missionné par l’exécutif pour animer ce comité. Il devra notamment cartographier les terrains de stage (cabinets libéraux, maisons de santé, voire centres de soins non programmés).
Le ministre a également annoncé un travail sur les modalités de rémunération des docteurs juniors en médecine générale (avec une part fixe, une part variable dépendante du volume de consultations et une rémunération pour la permanence des soins). Par ailleurs, il a promis une « incitation financière avantageuse » pour les généralistes s’engageant dans l’accueil et l’encadrement des docteurs juniors.
Pas de report de la 4A envisagé (à ce stade)
Concernant la principale revendication d’un report pur et simple de la réforme, portée avec force par l’Isnar-IMG – l’organisation représentative des internes en médecine générale, à l’origine de l’appel à mobilisation du 29 janvier – le ministre de la Santé a, pour l’instant, écarté cette possibilité, sans toutefois l’exclure totalement.
« Évidemment, si je vois que le mur se rapproche, je ne vais pas continuer à accélérer sans réagir. Mais cela fait un mois que je suis en poste, et je pense que d’ici à deux mois, nous aurons publié les décrets. Ces textes, j’espère, susciteront l’adhésion des maîtres de stage actuels et encourageront d’autres à s’engager. Ensuite, nous aurons le temps de faire un point d’étape pour ajuster, notamment en fonction du nombre de maîtres de stage disponibles. L’objectif n’est pas d’arriver en novembre 2026 avec une réforme mal préparée qui ne ferait que provoquer du mécontentement », a-t-il temporisé.
Interrogé sur l’appel à la grève nationale prévue ce mercredi 29 janvier, le ministre de la Santé a tenu à souligner le travail de concertation engagé ces dernières semaines avec les trois principaux syndicats étudiants et d’internes (Anemf, Isni et Isnar-IMG) qui ont permis, selon lui, d’apaiser le débat. « J’ai entendu leurs revendications et, de surcroît, deux des organisations [Anemf et Isni NDLR] se sont retirées de la grève », s’est-il félicité.
Sous haute surveillance
Ce qui a fait pencher la balance et convaincu l’Isni et l’Anemf de ne pas faire grève ? Les garanties obtenues du ministère concernant la rémunération, avec une part fixe et une part variable, ainsi qu’une dérogation permettant un délai prolongé pour soutenir sa thèse, contrairement à ce qui avait été initialement annoncé. « En l’état des négociations, nous avons effectivement décidé de suspendre la grève, confie Killian L'helgouarc'h, président de l’Isni. Cependant, si nous constatons que les accords négociés ne sont pas appliqués, ou qu’il manque des maîtres de stage au moment opportun, nous pourrions tout à fait revenir sur notre décision. Cette réforme reste sous surveillance ».
De son côté, l’Isnar-IMG, soutenu par la majorité des syndicats de médecins séniors, a choisi de maintenir la pression. Dans un communiqué commun signé ce week-end par MG France, la CSMF, le SML, l’UFML-S, le SML et les jeunes généralistes et remplaçants de Reagjir, ces organisations dénoncent « l’état d’impréparation alarmant de la réforme », qu’elles considèrent comme le « signe d’un manque de respect flagrant envers les internes, les maîtres de stage universitaires, les enseignements de médecine générale, et les patients ».
Face à ces critiques, le ministre de la Santé se veut rassurant et affirme garder « sa porte ouverte » pour discuter. « Les décrets seront élaborés en co-construction avec les organisations syndicales, a-t-il déclaré. Il n’y aura aucun élément dans les textes qui n’aura pas été discuté ».
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