On pourrait dire de l’installation ce qu’on dit généralement de la santé : elle n’a pas de prix, mais elle a un coût. Et le problème, c’est que ce coût ne peut pas être calculé selon une formule universelle : il y a autant de budgets d’installation que de généralistes qui s’installent. Avant d’avoir le plaisir de recevoir son premier patient dans son cabinet flambant neuf, tout praticien doit donc passer de longues heures sur Excel à faire et refaire ses calculs.
« Il est très difficile de donner un chiffre moyen du coût de l’installation », confirme le Dr Laure Dominjon, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir). C’est d’ailleurs pour cela qu’on ne trouve pas de chiffrage dans le guide de l’installation mis à disposition par le syndicat. Certains, pourtant, s’y sont essayés. On peut ainsi citer CMV Mediforce, spécialiste du financement des projets des professionnels de santé, qui donne une estimation du coût total d’une installation comprise entre 15 000 et 50 000 euros. Et cette fourchette, déjà étendue, semble pouvoir être élargie davantage encore.
En effet, s’il faut acheter des parts dans une Société civile immobilière (SCI), s’il faut construire, les coûts peuvent rapidement dépasser la centaine de milliers d’euros, estime Laure Dominjon. La borne basse de la fourchette donnée par CMV Mediforce, en revanche, semble difficile à abaisser. « Il y a quand même un minimum, on achète forcément du matériel, et souvent des parts dans une SCM [Société civile de moyens] », prévient la présidente de Reagjir.
Un budget élastique
Puisque le budget d’installation semble élastique, il est important de connaître les facteurs qui peuvent le tirer vers le haut. Et là, tout dépend du type d’exercice envisagé. « Si on pense qu’on va faire beaucoup de gynécologie, par exemple, on ne va sûrement mettre plus d’argent dans la table d’examen », détaille Laure Dominjon. Les logiciels peuvent également être différents, notamment si l’on veut pouvoir utiliser plusieurs appareils, des tablettes en mobilité, etc., ajoute-t-elle.
Il y a un poste budgétaire, en revanche, qui semble peu à peu disparaître : le fameux rachat de patientèle, pudiquement rebaptisé « indemnité de présentation de la patientèle ». « Quelques anciens médecins essaient encore d’avoir quelque chose de ce côté-là, mais en médecine générale du moins, cela n’a plus vraiment cours, ou alors de manière très exceptionnelle », sourit Laure Dominjon, selon qui « les patients ne nous appartiennent pas, ils ont le libre choix. »
Faites chauffer la calculatrice
Rachat de patientèle ou pas, estimer son budget n’est pas chose facile quand on n’a jamais fait ce genre d’exercice. Et là, il n’y a pas vraiment d’autre solution que de sortir la calculatrice et de faire des additions. Pour aller chercher l’information, il convient bien entendu de demander des devis pour les items les plus importants. Pour le reste, on peut se fier à ses souvenirs d’interne ou de remplaçant, faire appel à l’expérience d’autrui, et demander à des collègues récemment installés ce qu’ils ont payé pour tel ou tel élément. « Même si chaque cas est différent, cela peut donner une idée », juge Laure Dominjon.
Il faut dans tous les cas se souvenir que l’élaboration du budget peut prendre du temps, et que c’est un exercice à prendre au sérieux. C’est en effet bien souvent le banquier qui, en fin de compte, décidera de la viabilité du projet. Soulignons toutefois que les banques sont plutôt confiantes sur les revenus futurs d’un jeune médecin généraliste, et qu’elles ne font habituellement pas trop de difficulté pour lui faire crédit. Les taux d’intérêt restent par ailleurs très avantageux. « Nous conseillons de prendre des prêts professionnels », précise Laure Dominjon, « ils sont plus souples en cas de souci. »
La responsable syndicale cherche par ailleurs à dédramatiser les appréhensions que pourraient avoir certains jeunes généralistes avant de se lancer dans la budgétisation. « Il est normal d’avoir certaines craintes au niveau financier, notamment dans le cas d’une création de patientèle, même si ces craintes ne sont pas toujours raisonnées », explique-t-elle. « On se retrouve à additionner des charges à des charges, et ça chiffre vite. » Mais pour la plupart des généralistes, les affres du budget préalable à l’installation sont rapidement éclipsées par d’autres angoisses : celles de l’exercice libéral proprement dit. Reste à savoir si c’est une bonne nouvelle.
A. R.
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