C'était mon premier stage d'externe à l'hôpital.
On m'attribue une chambre occupée par deux patients, dont l'un, un vieux Corse, enfermé dans un mutisme. Un mutisme tel que personne n'a jamais entendu le son de sa voix. Les jours passent, je m'occupe de lui, et jamais un son, rien, malgré mes efforts répétés…
Un jour, je décide d'essayer autre chose… Étant informé de l'absence de son voisin (appelons-le M. Dupont), appelé à un rendez-vous de consultation dans l'hôpital, et donc le sachant seul dans la chambre, je mets ma manœuvre à exécution : je frappe soudainement à la porte, j'entre aussitôt, en l'ignorant, ne le regardant pas, et m'exclamant tout haut :
– « Ah ? il n'est pas là Mr Dupont ? »
Et lui aussitôt de répondre : « Non ! Il est parti en consultation… »
Bingo ! La stratégie avait fonctionné… Cendrillon s'était transformée en citrouille… Et dès lors, démasqué, il s'exprimera régulièrement…
Philippe Krief
Mon pire souvenir carabin ? L'intégration.
On vous traîne dans la boue, on vous force à boire de l'alcool à grandes quantités dans des seringues parce que c'est « drôle ».
On vous met toutes en rang d'oignons et on vous note sur votre physique pour savoir laquelle est la plus « baisable ». Tout cela au nom de l'intégration en médecine et pour cette « faluche » (non en option).
Et après on s'étonne que les médecins ne sachent pas ce que c'est que le consentement éclairé.
Et que dire de la « drague lourde » par les supérieurs en stage, totalement mal venue, déplacée, non souhaitée, anxiogène…
Interne des Hôpitaux de Paris, de garde, j'ai reçu à plusieurs reprises des enfants atteints de syndromes neurologiques et d'érythèmes fessiers…
J'ai fait la relation avec le talc Morhange appliqué sur leurs fesses. J'ai eu beaucoup de mal à être entendu… L'affaire a finalement éclaté avec réactions +++.
Mon alerte n'a pas été reconnue… (sauf en salle de garde…).
Dégoûté, cela m'a incité à abandonner une carrière hospitalière et à passer en libéral. Retraité, vieille histoire, certains me reconnaîtront…
C. O.
Retraité après 40 ans d'exercice de la chirurgie et de souvenirs d'étude, de salle de garde pendant 10 ans, le fait marquant est la projection par les fenêtres de l'Assistance publique, avenue Victoria, de ma nomination à l'Internat des Hôpitaux de Paris.
M. N., chirurgie viscérale
C'était en TD de physio. L'interne qui s'occupait de nous, nous trouvant trop « dissipées », mon amie et moi, nous prédisait : « Vous deux, mes demoiselles, vous ne serez jamais médecins ! »...
Quelques années plus tard, le rencontrant lors d'un mariage, j'ai pu lui dire : « Eh oui, nous voilà médecins toutes les deux et fières de l'être »…
Hélène Vichet, médecin territorial
Arrivé pour un premier remplacement en campagne sarthoise en été 2016, je fais signe au conducteur d'un cabriolet Porche 911 décapoté, casquette, chemisette taillée dans le drapeau américain, gros cigare à la bouche, sortant d'une cour à proximité du cabinet médical.
Je me présente et demande la confirmation de l'adresse du médecin local.
Réponse de l’intéressé : « Grimpe là-dedans, on file faire un accouchement dans une ferme ! »
Démarrage en trombe, conduite sportive dans les lacets d'une route de campagne et première naissance à domicile avec application de forceps en permanence dans le coffre de la voiture ! Belle expérience de mise en condition pour ma pratique ultérieure de 40 ans de médecine générale !
Dr Jean-Marie Mazé
J’étais en D4 et en stage au bloc de la maternité Guy-le-Lorrier, hôpital Tenon, à Paris, service du Pr Salat-Barroux. C’était en 1981.
La matinée débute à 07:00 et l’externe de bloc doit tout préparer avant que le patron n'arrive.
Monsieur Salat-Barroux arrive, s’habille et me demande : « Il est où l’interne ? »
Ma réponse : « Je ne sais pas Monsieur. »
Et « il est où le chef ? »
Ma réponse : « Je ne sais pas Monsieur. »
Et là, le professeur a fait une remarque qui m’a subjugué : « Eh bien, il n’y a que les étrangers qui travaillent ici. »
La suite, je suis devenu gynécologue-obstétricien. Et je remercie encore Monsieur Salat-Barroux.
Dr Nguyen Minh Dung
Nous arrivons en retard avec mon binôme en TP de dissection en 2e année.
Sujet : le membre sup.
Sur chaque paillasse, un membre sup… >:o
Nous nous installons sur la dernière paillasse disponible : le bras d'une jeune femme, ongles encore vernis. Quel choc !
J'en ai pleuré le soir.
Patrick Zavadil, hépato-gastro-entérologue.
Mon meilleur souvenir fut le jour où j'ai été élue Miss CPEM (Cycle préparatoire aux études de médecine, NDLR).
Je savais qu'on ne me dirait pas toute ma vie : « Bonjour ma Belle » et « Ma jolie » !
Mon pire souvenir, quant à lui, fut celui d'une garde, en Martinique. Un serpent méchant avait choisi mon lit pour domicile.
Le trigonocéphale aime le chaud.
Isabelle G., psychiatre
Pas gravissime, mais quand même.
Un jour au tout début de mon installation en MG, je reçois une famille, les 2 parents et les 3 filles sourds-muets accompagnées par la grand-mère (madame je sais tout) plutôt revêche et revendicatrice.
Elle me fait une demande totalement injustifiée et je m'exclame : « Vaut mieux entendre ça que d'être sourd »…
M.N. D.M, médecin généraliste
Une fois reçue à l'internat, quelle spécialité choisir ? Pour m'aider dans ce choix, je demande à un chirurgien que j'adore, Jean-Henri Alexandre, patron à l'hôpital Broussais. Je le connais depuis l'enfance. Quelle spécialité me conseillez-vous de choisir ?
Sa réponse est un conseil que j'ai toujours suivi professionnellement sans faillir à cette règle : « La vie est dure, alors, Marion, faites… ce qui vous plaît. »
Un excellent conseil que j'ai toujours suivi.
Marion L.
De garde aux urgences, une nuit assez calme, une bataille d'eau entre le personnel s'engage.
Je suis trempé quand une urgence arrive par le SAMU. Seule solution trouvée alors : le manipulateur radio allume le scanner et me voilà allongé dans le tube profitant de la ventilation puissante de la machine pour me sécher (TDM corps entier)…
Franck Basset, médecin généraliste
Jeune interne en premier semestre, première garde de chirurgie dans un hôpital de périphérie, je vois arriver, portée dans une coquille par des pompiers surchauffés, une patiente d'une quarantaine d'années qu'ils m'annoncent paraplégique suite à une chute de la hauteur de son tabouret.
La famille est affolée.
Les radios de débrouillage ne montrent rien, je ne trouve rien à l'examen neurologique. Je fais donc sortir tout le monde, je prends la main de la patiente, la regarde et lui dis : « Lève-toi et marche. »
Elle s'est levée et elle a marché.
J'avoue m'être un peu pris pour Jésus en la ramenant à sa famille.
B. B., ORL-CCF
Première année de médecine, première heure de cours.
L'amphithéâtre de Lyon Nord est plein à craquer avec plus de 400 étudiants et notre professeur de physiologie entame son cours magistral sur les potentiels évoqués cellulaires… un silence de mort se fait…
Tout comme mes collègues, je tente de suivre le cours et de prendre des notes tant bien que mal (plutôt mal que bien d'ailleurs) quand soudain un redoublant s'écrit : « Ça suit Bizut !!!! », déclenchant quolibet et rire général…
L'ambiance était donnée !
Alain D., médecin généraliste
M. M., cardiologueMon pire souvenir de carabin(e) fut ma première garde d'interne en 1978. Je venais de démarrer mon internat au CHU de Reims, au service d'ana-path. Lors de ma toute première garde de médecine, je fus confrontée à un patient porteur d'une BPCO et en insuffisance respiratoire aiguë.
Je passai toute la nuit à son chevet, faisant de mon mieux pour le soulager, ayant fait appel au réanimateur de garde (qui ne s'était pas dérangé). Le lendemain matin, j'appris son décès lorsque je le découvris sur la table d'autopsie...
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