« Boucherie », « massacre pédagogique », « concours guillotine », « couperet », « année déshumanisante », étudiants « broyés » : les expressions éloquentes qualifiant le numerus clausus et la première année commune aux études de santé (PACES) ont fleuri dans l'hémicycle lors des débats sur le projet loi de santé à l'Assemblée nationale.
Adopté mardi, l'article premier supprime donc dès l'an prochain le si décrié numerus clausus instauré en 1971, au profit d'un système de régulation toujours exigeant où le nombre d'étudiants autorisés à poursuivre leurs études sera déterminé par les universités, après avis des agences régionales de santé (ARS), au regard des besoins des territoires et des capacités de formation.
Autre principe acquis, la réforme permettra d'accéder aux études à partir de voies diversifiées : un cursus axé sur les enseignements en santé avec sélection dès la fin de la première année (sans redoublement) ou un cursus de licence classique (droit, économie, écogestion, mathématiques, biologie, etc.) couplé à une « mineure santé » avec sélection progressive après la seconde ou troisième année. La répartition entre les modes d'entrée n'est pas encore arbitrée.
« Arrêter le numerus clausus, c'est en finir avec un gâchis qui conduit à l'échec d'excellents lycéens », a assumé Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur. L'ambition du gouvernement n'est pas seulement de former davantage de praticiens demain mais d'accueillir des élèves d'horizons pluriels – alors que 90 % des étudiants qui passent le cap de la première année sont issus de bacs scientifiques avec mention bien ou très bien. « On veut ajouter des têtes bien faites aux têtes bien pleines », a joliment résumé Stéphanie Rist, co-rapporteur du projet de loi et rhumatologue.
« On joue sur les mots »
Si la fin du numerus clausus fait consensus, les oppositions ont souligné le caractère « flou » du système alternatif – certains redoutant l'ouverture des vannes, d'autres au contraire le maintien du numerus clausus ou d'une « PACES bis » sans l'assumer...
Philippe Vigier député (Libertés et territoires, Eure-et-Loir) n'a pas caché sa perplexité. « On ne supprime pas le numerus clausus, on joue avec les mots. Tous ceux qui seront en première année ne passeront pas en deuxième année ». Hors de l'hémicycle aussi, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) préfère le terme de « décentralisation » à celui d'« abandon » du numerus clausus.
Agnès Buzyn s'est employée à rappeler les objectifs sans lever tous les doutes. « On veut garder un mode d'entrée sélectif qui reposera sur l'analyse et une évaluation des compétences (...) Nous ne voulons pas recréer une PACES, ni un portail santé, ni une licence santé : nous voulons vraiment proposer divers modes d’entrée dans les études médicales. »
Jusqu'à 20 % de médecins formés en plus ?
Plusieurs élus se sont inquiétés du nombre de praticiens supplémentaires à former à l'heure où les capacités des facs de médecine et des CHU sont saturées. « Comment les doyens vont-ils répondre à l'afflux d'étudiants ? On peut s'inquiéter... », a objecté Caroline Fiat, député (LFI) de Meurthe-et-Moselle. La ministre a joué la carte de la transparence. « Je rappelle que le chiffre de +20 % est un chiffre maximal car nous savons que les capacités à former dans nos universités et hôpitaux ne sont pas infinies ».
Mais quelle méthodologie sera retenue ? Qui aura la main pour décider d'un bonus à Nancy ou à Angers ? L'idée, à ce stade, est de ne braquer personne. « Nous fixerons les capacités d'accueil avec les universités et les doyens, à partir de l'avis des ARS, lequel émanera des territoires où nous allons travailler avec tous les acteurs – élus, syndicats des professions concernées, Ordres, secteur médico-social et conférence régionale de la santé et de l’autonomie [CRSA], a énuméré, prudente, Agnès Buzyn. Nous pensons fixer des objectifs nationaux pluriannuels. L'idée est de se mettre d'accord pour des durées de cinq ans sur des fourchettes d'effectifs d'étudiants à former ».
Quand bien même les flux augmenteront à l'horizon de 10 ans, rien ne dit, selon les parlementaires, que les médecins iront s'installer dans les zones moins dotées. La fin du numerus clausus, « ce n'est pas une mesure qui va remplir nos territoires de médecins dès demain, a concédé Agnès Buzyn. Mais c'est une mesure de bon sens que nos concitoyens attendaient ».
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