À Tours, les internes de médecine générale disent non à la coercition ... et se font draguer par les collectivités territoriales

Par
Publié le 24/02/2022

Crédit photo : Isnar-IMG

Au palais des Congrès de Tours, l’auditorium était bondé : 600 internes de médecine générale sont réunis depuis ce matin jusqu'à demain pour la 22e édition du congrès de leur intersyndical, l'Isnar-IMG. La table ronde plénière était consacrée à l'accès aux soins, un sujet brûlant dans cette région, le Centre-Val de Loire, qui compte l’une des plus faibles densités de généralistes. « À l’heure des élections présidentielles et des promesses de campagne, rares sont les propositions pertinentes dans le champ de la santé, les jeunes médecins attendent bien plus des candidats », tacle Mathilde Renker, la présidente de l’Isnar-IMG.

Car pour la future généraliste - et malgré les propositions martelées de certains candidats à la présidentielle - pas question de coercition à l’installation. « Les internes sont malmenés par les politiques et par les médias, justifie-t-elle. Les mesures coercitives - en vogue - sont vouées à l’échec. Il est impensable de tenter de répondre à l’accès au soin en agissant uniquement sur l’installation des jeunes médecins. »

Confrères vieillissants

Invité à décrire la désertification médicale dans son département, le vice-président de l’Association des maires ruraux de France et maire de Fercé-sur-Sarthe opine du chef. « En milieu rural plus de la moitié des généralistes ont plus de 55 ans, l’obligation à l’installation aurait été une bonne idée mais il y a 15 ans, aujourd’hui il est trop tard ! », lance Dominique Dhumeaux. « Ça peut faire plaisir aux électeurs, mais ça ne changera pas grand-chose », poursuit-il, sous les applaudissements des internes.

Opposé à la coercition, le vice-président de l’association des maires ruraux l’est moins au développement des infirmières en pratique avancée (IPA) et à la téléconsultation. De nouvelles pratiques pour répondre à l’urgence de l’accès aux soins dans les campagnes car « la population rurale consomme 20 % de soins en moins par rapport aux urbains, 30 % lorsque l’on parle de dialyse ou de chimiothérapie », déplore le maire sarthois. « Dans la Sarthe, il y a 16 généralistes âgés de plus de 70 ans qui continuent d'exercer », précise Dominique Dhumeaux.

« Le salariat, ce n’est pas un enfermement, loin de là ! »

Alors que le nombre de généralistes décline, passant de 94 000 en 2010 à 86 000 aujourd’hui, un confrère sur quatre a plus de 60 ans. En dix ans, le nombre d’omnipraticiens installés a baissé de 8 %. « L’urgence est réelle », martèle Mathilde Renker, qui propose notamment « de développer l’opportunité pour les étudiants de découvrir des territoires ruraux en stage, ce qui reste encore très rare ». L’Isnar plaide également pour la mise en place de stages en pédiatrie libérale, gynécologie, centre de PMI, « ou pourquoi pas des stages ambulatoires avec d’autres professions de santé » pour favoriser l’interprofessionnalité, si chère aux jeunes.

Aux congrès du syndicat d’internes, les conseils départements sont venus en nombre. Loiret, Tarn, Corrèze… : tous tiennent un stand pour tenter d’attirer les jeunes dans leurs territoires. Pourtant, « combien de départements rencontrent véritablement les internes ? », s’interroge Mathilde Renker. « Trop nombreuses sont encore les communes qui pensent qu’une fois les murs d’un cabinet construits, les médecins viendront d’eux-mêmes, mais l’image d’Épinal du généraliste isolé, c'est fini », tranche-t-elle.

Elle aussi voudrait tenter d’attirer les futurs généralistes dans sa région : Aline Chassine Deniau, directrice du GIP Pro Santé Centre-Val de Loire, est venue vanter les avantages du salariat. En 2021, la Région a lancé son programme « Les nouveaux médecins » qui consiste à salarier 300 médecins généralistes dans 50 centres régionaux de santé à échéance 2028. « C’est une action totalement inédite, nous sommes la première région à faire du salariat à cette échelle », se réjouit Aline Chassine Deniau.

Aides à l'installation

39 heures par semaine, 47 jours de congé et de RTT et un salaire fixé sur la grille des praticiens hospitaliers entre 5 500 et 9 000 euros bruts par mois : la Région met le paquet. « Nous allons également embaucher 100 secrétaires ou assistants médicaux, pour que le médecin consacre 100 % de son travail à des missions médicales », détaille encore la porteuse du projet, qui met en avant « une grande liberté dans les conditions d’exercice », avec la possibilité de faire du temps partiel ou d’accueillir des stagiaires. « Le salariat ce n’est pas un enfermement, loin de la ! », clame Aline Chassine Deniau. Pour l’heure, 20 généralistes se sont lancés dans l’aventure et 7 centres sont déjà ouverts.

En effet, une fois la décision de l'installation prise, « un marathon administratif commence pour les jeunes », rappelle Mathilde Renker, qui plaide pour la mise en place d'un guichet unique, une très vieille revendication de son syndicat. « À la demande des internes, nous travaillons sur un récapitulatif de toutes les aides et incitations financières qui existent », répond le Dr Sophie Augros, conseillère médicale soins primaires et professions libérales à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). La plateforme devrait être lancée mi-mars sur le site du ministère de la Santé.


Source : lequotidiendumedecin.fr