Tribune

Couper les ponts entre l’industrie pharmaceutique et la formation initiale : oui mais à quel prix ?

Publié le 19/09/2019
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Les relations entre l'industrie pharmaceutique et les médecins, notamment ceux de la jeune génération font de nouveau débat. Alors que les internes de médecine générale de l'ISNAR-IMG ont lancé au début du mois une opération « no free lunch » visant à refuser pendant un mois le soutien des labos, un jeune endocrinologue, ancien chef de file des internes de spécialités (ISNI) s'inquiète d'une nouvelle disposition passée plutôt inaperçue qui priverait les jeunes médecins d'invitations en congrès.

Le 20 juin, en commission paritaire puis le 10 juillet 2019, à l'occasion de la discussion sur la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a été adopté un amendement à l’article 1453-7 du code de la santé publique. Par le présent article, il devient impossible pour l’industrie pharmaceutique de participer au défraiement des frais d’hospitalité des étudiants et internes en santé pour les colloques, congrès et autres réunions à vocation scientifique, comme cela reste permis pour leurs aînés.

Exit les invitations en congrès, les prises en charge des déplacements, de la nourriture et du logement. Exit les sandwichs entre midi et deux pendant les staffs de service. Exit les invitations aux réunions locales ou inter-régionales entre praticiens libéraux et jeunes collègues en formation. Enfin, pour être précis, les internes (puisqu’on parle d’eux) auront, a priori, le droit de venir… Mais pas de manger et rien ne devra faire penser que les financements sont dirigés vers eux.

Congrès annulés en cascade

En cette rentrée, on ne compte plus les congrès annulés sur l’ensemble des spécialités dans toute la France. Certains étaient organisés par l’industrie, beaucoup l’étaient par le corps enseignant et les sociétés savantes mais leurs financements sont balayés par une réglementation moralement juste mais mal préparée.

Assainir les relations entre industrie et formation initiale est une chose louable… Mais n’avons-nous pas jeté le bébé avec l’eau du bain ? N’avons-nous pas fait preuve d’un certain excès de piété à déconstruire brutalement ce qui s’était imposé comme un socle du financement de la formation médicale ? N’avons-nous pas stérilisé le terreau sur lequel reposaient les trop faibles rencontres entre praticiens libéraux et internes en formation ?

Beaucoup de sociétés savantes font des gestes majeurs pour l’accueil des internes à leurs sessions en faisant des prix réduits voir nul. Certaines associations ont mis en place des aides pour la prise en charge des frais de transport mais le besoin est bien plus grand et le compte n’y est pas.

Qui doit payer la formation ?

Il est urgemment nécessaire d’organiser une grande mobilisation nationale de la profession autour de ce sujet, passé quasi inaperçu. Nous devons nous poser la question qui fâche : qui doit payer la formation des internes ? Qui doit payer le pont entre praticiens en exercice et étudiants en formation initiale ?

Il est donc nécessaire de lancer un appel à la profession pour poser la question du financement de ce lien entre formation initiale et continue ! Commençons par quelques questions cadres :

- Quels financements pour permettre aux internes de participer aux congrès nationaux (Inscription, transport, hébergement)

- Quels financements pour permettre aux internes de présenter leurs travaux dans les congrès internationaux ? Les bourses de service ou des centres hospitaliers sont-elles suffisantes et adaptées ?

- Comment permettre aux internes de participer à la vie de la communauté libérale de leur région ?

- Quels financements pour les congrès de formation organisés pour ou parfois par les internes ? Les universités sont-elles prêtes à jouer le jeu, notamment via la cotisation de vie étudiante ?

Il est urgent d’avoir une interprétation du texte par les autorités réglementaires et politiques. Il est urgent de définir ensemble quelles entités doivent prendre le relais des financements de cette vie médicale fondée sur la confraternité et la transmission intergénérationnelle.

Les internes travaillent, ils travaillent beaucoup, ils sont payés un peu… Permettons-leur de participer, avec les moyens qui sont les leurs, à cette belle communauté de science médicale qui nous unit.

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Jean-Baptiste Bonnet, Ancien président de l’Intersyndicale des internes (ISNI), Interne en endocrinologie

Source : Le Quotidien du médecin