La réforme a presque réussi à mettre d’accord les candidats à l’élection présidentielle. D’Anne Hidalgo à Valérie Pécresse, tous – ou presque – jugeaient pertinent d'ajouter une année supplémentaire à l’internat de médecine générale, avec pour objectif d'envoyer les carabins exercer dans les déserts médicaux en tant que docteurs juniors.
En mars dernier, à quelques semaines de l’échéance électorale, Emmanuel Macron lui-même avait repris cette proposition – dont le principe est acté depuis 2017 dans la réforme du 3e cycle – avec une application concrète encore floue. Le locataire de l’Élysée avait alors expliqué que faire passer de trois à quatre ans l’internat de médecine générale pourrait permettre « un renfort » dans les zones fragiles, sans que l'obligation soit envisagée pour autant… Il imaginait « une politique d'incitation passant par une meilleure rémunération et un meilleur accompagnement, en termes de logement par exemple ». De quoi susciter la perplexité des syndicats juniors quant au sort réservé aux milliers d’internes qui débuteront, en novembre prochain, leur internat de médecine gé.
« Aucun intérêt pédagogique »
Ce flou politique, ajouté à certaines communications hasardeuses de départements de médecine générale, laissant planer le doute quant à la mise en place de cette 4e année « dès la rentrée prochaine », a conduit les syndicats d’internes à hausser le ton.
Le conseil d’administration de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), réuni fin avril, « a décidé de s’opposer à cette mesure pour la rentrée prochaine », résume Mathilde Renker, présidente de l’Isnar-IMG. « Rien n’est cadré, cette année supplémentaire n’aurait aucun intérêt pédagogique », alerte l'interne nancéenne, pour qui une application dès novembre 2022 pour les nouvelles promos est « inenvisageable » à quelques semaines des épreuves nationales classantes 2022 (ECN), sésame vers l’internat. « C’est du stress supplémentaire pour les D4 ! ».
Aucun calendrier officiel n’a été communiqué sur cette année supplémentaire pour les futurs généralistes. « Cela reste flou, nous craignons qu’il y ait un projet de décret accéléré, si on nous impose réellement des conditions géographiques d’exercice, le gouvernement va rencontrer une levée de boucliers des internes », alerte aussi Léo Sillon, président de l’Association des jeunes médecins généralistes (AJMG, adhérente à l’InterSyndicale Nationale des Internes – ISNI).
En roue libre ?
Sur le papier, les futurs généralistes ne sont pas fermés à cette année supplémentaire, à condition qu’elle soit formatrice, professionnalisante et « pas que cela ressemble à du remplacement déguisé », alerte Mathilde Renker (Isnar-IMG).
En réalité, le projet – dans les tuyaux depuis des lustres – fait déjà l'objet de concertations anciennes entre les jeunes et les généralistes enseignants. Mais l'échéance se rapprochant, les internes ont fixé en 2019 des conditions sine qua non pour accepter l'allongement d'un an de leur maquette de DES : pas plus de 30 consultations par jour maximum, rémunération à l’acte, « respect des huit demi-journées de stage dont deux dédiées au projet professionnel de l’interne, comme exercer en Ehpad, en PMI ou en centre addicto », détaille encore la présidente de l'Isnar-IMG.
Des prérequis partagés par Léo Sillon (AJMG) : « Si on reste à 2 000 euros brut, en cabinet, en autonomie extrême, pour ne pas dire lâchés en roue libre pour faire tourner la boutique, c’est inacceptable ! ». L’encadrement des internes de médecine générale – qui exerceraient probablement sous le nouveau statut de docteur junior déjà en place pour leurs confrères spécialistes – sera donc l’une des exigences des syndicats. « Mais encore faudra-t-il trouver assez de maîtres de stage ! », s’inquiète Léo Sillon, qui estime qu’il faudrait doubler les effectifs.
Trop tôt
Au-delà d'une rémunération décente et du caractère formateur de cette année en plus, c’est l’obligation de stage en zones sous-denses qui cristallise les inquiétudes des jeunes. « Si c’est le cas, pour nous, ce sera non », avertit Mathilde Renker. « Nous ne souhaitons pas de fléchage géographique, c’est du remplacement à bas coût qui n’a rien de pédagogique et qui nuit à la liberté d’installation », tacle aussi le président de l’AJMG.
Les discussions se poursuivent avec le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et les syndicats juniors. « Nous sommes prêts à trouver une porte de sortie honorable », assure Léo Sillon. Mais pas question de précipiter la mise en place de cette réforme, recadre Mathilde Renker. « Nous continuerons à travailler à une 4e année réellement formatrice, mais pour l’instant c’est beaucoup trop tôt ».
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