Le chemin de croix des études

Une généraliste devenue psychiatre raconte son calvaire

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Publié le 18/10/2018
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Les futurs médecins sont-ils maltraités durant leurs études ?

Alors que la problématique des risques psychosociaux et de la souffrance particulière des étudiants en santé revient régulièrement sur le devant de la scène, le Dr Florence Werquin apporte un nouveau témoignage édifiant dans son premier livre*. La psychiatre lilloise y relate un cursus universitaire et hospitalier tellement rude et rigide qu'il met selon elle en danger la santé psychique des carabins. Au fil des pages, elle parle d'elle-même en s'adressant directement à son lecteur, « sorte de patient universel, actuel, d'hier ou de demain » auquel elle veut raconter sa « souffrance ordinaire ».

Cette souffrance banalisée la gagne dès ses premiers pas à l'université, où elle ne supporte pas la compétition à outrance et l'apprentissage forcé, au point qu'elle décide de déserter les amphis pour travailler seule dans son coin, méthode couronnée de succès à l'issue de la première année. Mais elle dénonce cette formation qui monte les étudiants les uns contre les autres dans les couloirs des facultés, « ne sachant quelle trace il en resterait plus tard, dans d'autres couloirs, ceux de l'hôpital ».

Au moment où le gouvernement promet justement de diversifier les profils des futurs médecins à la faveur de la réforme des études, l'absence de sciences humaines au cours du cursus pèse lourdement au Dr Werquin. « Cela doit être le genre de choses auxquelles la médecine s'intéresse peu, il faut se rendre à l'évidence », se désole l'auteure qui, comme pour compenser ce manque, multiplie les références littéraires et philosophiques dans son récit.

Monde hospitalier pyramidal 

Mais c'est surtout l'absence de considération pour le patient (et pour le soignant), dans les pratiques enseignées, qui dégoûte l'apprentie-médecin. « On n'apprend rien à la faculté de médecine sur les rapports humains », résume-t-elle. À l'hôpital, « monde extrêmement pyramidal », pas question de protester et encore moins de montrer sa faiblesse ! Alors elle souffre en silence, au point de ressentir le besoin de parler à un psychiatre. Des stages à l'hôpital jusqu'à ses premiers remplacements, celle qui se voyait généraliste s'oriente alors vers la psychiatrie.

Le Dr Werquin veut écouter à son tour la souffrance des patients, à défaut d'avoir pu livrer la sienne lorsque c'était nécessaire. Son histoire l'oriente aussi vers les médecines parallèles, rempart à ses yeux contre ce « monde médical hyper-technicisé, hyper-protocolé, hyper-normatif, hyper-contrôlé, hyper-pressé », dont elle a tant souffert.

« Histoire d'une souffrance ordinaire », Récit. Dr Florence Werquin, 173 p., 17 euros, Michalon, novembre 2018

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin: 9695