Le Dr Kenny Raha, 36 ans, est le troisième médecin de l’hôpital général de référence de Panzi à venir enrichir sa formation dans le service de gynécologie du Pr Philippe Descamps du CHU d'Angers, s’inscrivant ainsi, à quelque 30 ans d'intervalle, dans les pas du Dr Denis Mukwege (voir encadré).
« Monsieur Denis pense que c'est un site approprié pour une bonne formation, il a été ici », explique le Dr Raha. Le médecin, qui travaille déjà depuis 10 ans à l'hôpital de Panzi, au Kivu, après ses études à Bukavu et une formation en Éthiopie, aura fini sa spécialisation au printemps.
Il est déjà rodé aux gestes techniques. Grâce aux dons des ONG, l'hôpital de Panzi est doté de 3 colonnes de coelioscopie. Le Dr Bernard Crezé, un gynécologue qui fut l'un des enseignants du Dr Mukwege dans les années 1980, est aussi venu dispenser son savoir auprès des étudiants à Panzi. Et tous les soignants désireux de travailler en obstétrique sont passés par les mains du Dr Mukwege, à l'université évangélique d'Afrique de Bukavu.
Mais à Angers, dans de toutes autres conditions, le Dr Raha revoit ses classiques. « Ici, on revient à la norme. Là-bas, vu les conditions locales on fait des raccourcis. On a le matériel classique, mais pas très pointu. Pas de kit à usage unique », explique-t-il. « En Anjou, j'ai pu voir des interventions sous un jour différent, du matériel que je n'avais jamais utilisé… », poursuit-il.
Nouvelle génération
Le Dr Kenny Raha fait partie de la nouvelle génération, du nouveau souffle. « On va avoir le temps de révolutionner les choses », espère-t-il, reprenant le flambeau allumé par le Dr Mukwege. Le militant de l’humanité est pour lui un guide et un modèle, un homme dont le charisme l’a convaincu de s’engager en gynécologie. Les deux hommes ont en commun d’avoir un père pasteur.
Le Dr Raha défend la prise en charge holistique des victimes de viol, mise en place à Panzi : soins médicaux, assistance psychologique, réinsertion socio-économique, et assistance judiciaire et juridique. « Ce sont les 4 piliers », avance-t-il.
Il s’anime en racontant l’amorce d’un entretien. « Il faut apporter de l’espoir. Dire à la femme que ce n’est pas la fin du monde, et la transformer en survivante », explique le Dr Raha. « Ces femmes revivent quand on les soigne. Voir leur sourire quand on intervient, c'est ça qui nous encourage et nous permet de dépasser les obstacles », poursuit-il.
Chaque jour, l'hôpital accueille des dizaines de femmes victimes de violences sexuelles, venues de tout le Kivu, mais aussi, notoriété oblige, du Rwanda ou du Burundi (en décembre 2014, 42 264 femmes avaient été traitées). Ces dernières années, les médecins voient et « réparent » aussi des bébés, des enfants, des victimes de viol utilisé comme une arme de guerre. Une situation qui a conduit le Dr Mukwege à théoriser en 2014, dans l'« International journal of gynecology and obstetrics » une classification de ces lésions génito-urinaires et digestives basses chez les fillettes de 5 ans et moins.
Régulièrement, le Dr Raha se rend dans les provinces de la République démocratique du Congo, accompagné d'un chirurgien et d'un anesthésiste, kits de prophylaxie et médicaments destinés aux centres locaux dans leur besace. Les équipements y sont rudimentaires. Outre les fistules liées aux viols, le Dr Raha est souvent confronté à des fistules obstétricales et iatrogènes. Il est parfois trop tard pour sauver des femmes que les équipes de proximité ont tenté de maintenir en vie.
Mais le Dr Raha veut rester optimiste, l'espoir chevillé au corps. Malgré un certain attentisme de la population. « Nous sommes sans repère et démotivés », dit-il. Malgré la permanence d'un gouvernement qui semble peu concerné par le travail réalisé à Panzi. Malgré les menaces et les dangers qui pèsent sur lui et sa famille (de son côté, le Dr Mukwege a été victime d'une tentative d'assassinat en 2012 où son garde du corps a perdu la vie). Chaque samedi, le Dr Raha participe à des séances de détraumatisation avec son équipe, parfois au parc, où il y a des gorilles, pour ne « pas perdre l'humanité, lorsqu'on écoute de façon récurrente la barbarie ».
Quant à la convention entre le CHU d'Angers et l'hôpital de Panzi, elle est un cadre a minima permettant dès aujourd'hui d'accueillir les praticiens congolais dans le service de gynécologie du Pr Philippe Descamps, chef du pôle Femme-Mère-enfant, avant éventuellement d'organiser des formations au Congo, voire d'ouvrir ces partenariats à d'autres thématiques hospitalières.
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