La faculté de médecine de Brest, l’une des plus anciennes à enseigner l’homéopathie, a décidé de maintenir son diplôme inter-universitaire (DIU- partagé avec Reims et Lyon-Sud), malgré le déremboursement annoncé des granules. Le Pr Christian Berthou, doyen, s’en explique au « Quotidien ». « Il est totalement faux de dire qu’il n’y a aucune démonstration scientifique de la plus-value de l’homéopathie », affirme le doyen de la fac de médecine de Brest
LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir fait le choix, à l’inverse d’autres universités comme celle de Lille, de maintenir votre diplôme interuniversitaire (DIU) après l’annonce du déremboursement des médicaments homéopathiques ?
PR CHRISTIAN BERTHOU : Le sujet de la formation est différent de la question du déremboursement. Le déremboursement ne me regarde pas. C’est une décision budgétaire et scientifique du ministère de la Santé. Or je dépends du ministère de l’Enseignement supérieur.
Maintenir la formation est nécessaire dans la mesure où aujourd’hui l’homéopathie est un phénomène sociologique. Une étude montre que 58 % des Français l’utilisent ou l’ont utilisée. Donc les étudiants que nous formons y seront forcément confrontés. Il est tout à fait normal que nos médecins soient au courant des forces et faiblesses de cette thérapeutique. Si l’université se retire de cette formation, des charlatans et des gourous vont se l’approprier. On aura alors tout perdu. À l’université on enseigne ce qui est démontré, rigoureux et scientifiquement validé.
Qui plus est, je pense qu’il y a un biais dans l'évaluation de la HAS [Haute autorité de santé, NDLR]. Celle-ci n’est pas complète.
Vous rejetez les conclusions de la HAS ?
Je n'en rejette pas le caractère scientifique mais le caractère exhaustif. Il n’y a qu’une infime partie de la littérature qui a été analysée. Quand on regarde la base internationale Cochrane, synthèse de toutes les études qui ont démontré une validation scientifique, on en retrouve plusieurs qui démontrent la supériorité de l’homéopathie sur la médecine conventionnelle. Il est totalement faux de dire qu’il n’y a aucune démonstration scientifique de la plus-value de l’homéopathie. Il y a des maladies, plutôt de nature bénigne et fonctionnelle, dans lesquelles son bénéfice a été strictement validé par des études comparatives.
De plus, une étude démontre que l’homéopathie entraîne la diminution de consommation d'antibiotiques, d'anxiolytiques et d'anti-inflammatoires. Le déremboursement risque d’orienter les usagers du système de soins qui n’auront plus les moyens de se payer le traitement homéopathique vers des consommations médicamenteuses qui risquent d’augmenter le coût de leur prise en charge et de générer des effets indésirables. Par ailleurs, les traitements homéopathiques représentent moins de 1 % des dépenses médicamenteuses. Son déremboursement ne va pas avoir un retentissement net sur l’économie de santé.
Le Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens des facultés de médecine souhaite repenser l’enseignement de l’homéopathie pour l’intégrer à d’autres médecines intégratives et complémentaires. Y êtes-vous favorable ?
Je suis d'accord avec une vision globale des médecines complémentaires qui nécessitent plus de validations scientifiques. Les médecines qu'on appelle non-conventionnelles − je pense à l'acupuncture, à la méditation, à l'hypnose, à l'homéopathie ou à la phytothérapie − nécessitent plus de preuves. Mais elles ne doivent pas s'opposer à la médecine conventionnelle. Il faut redébattre l’idée que l’homéopathie repose sur de la croyance. C’est faux. Il ne vient dans l’idée de personne de traiter une infection bactérienne aiguë avec de l’homéopathie et des études montrent que ça ne sert à rien.
Là où je ne suis pas d'accord, c'est que notre diplôme forme des médecins surspécialisés. On donne le droit, par ce diplôme, à faire de l'homéopathie un métier et cela nécessite une formation spécifique à la fois théorique et pratique. J'ai peur que, si l'on dilue cette formation, on dilue aussi les compétences des médecins homéopathes. Or il s'agit d'une expertise professionnelle de haut niveau. Il faut avoir une empathie et une analyse de l'histoire clinique du malade et de son environnement très aiguisées.
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