Ce fut une première : la semaine dernière, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) a financé son congrès à Chateauneuf-sur-Isère (Drôme) sans aucune aide de l'industrie pharmaceutique. Un pari mais aussi un signal fort de la part de ces futurs généralistes qui réfléchissent aux moyens de développer leur esprit critique, et y ont même consacré une table ronde : « Mon indépendance à moi…, c'est quoi ? ».
Le contexte est propice. Il y a un an, une enquête du collectif Formindep révélait que seules 9 UFR sur 37 avaient pris des mesures concrètes pour préserver l'indépendance de leur formation et se prémunir contre les conflits d’intérêts. En novembre dernier, les facs de médecine et de chirurgie dentaire se sont équipées d'une charte éthique et déontologique visant à combattre les pratiques d'influence. Au menu : transparence des liens d'intérêts des enseignants, avantages et cadeaux de l'industrie proscrits, bonnes pratiques pédagogiques, etc.
Pour Bastien Doudaine, membre de la Troupe du Rire, un collectif de carabins qui sensibilise les jeunes sur ces sujets, le chemin vers l'indépendance est long. « J'ai eu des contacts avec des visiteurs médicaux au cours de mon cursus et un laboratoire m'a invité au restaurant en 5e année de médecine sur le thème du diabète et de l'insuffisance rénale, raconte cet interne en dernier semestre. Ça ne m'a pas servi à grand-chose et je me suis dit que j'avais envie de faire le tri dans les informations que je reçois et de mieux vérifier leur fiabilité. » D'autant que certaines habitudes se transmettent de génération en génération. « Dans nos stages, renchérit Bastien, la formation est influencée par une forme de mimétisme avec nos pairs. On a tendance à reproduire des schémas qui font que nous prescrivons davantage tel produit que tel autre. »
Réinventer un partenariat
Invité du congrès des internes, Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques du LEEM (Les entreprises du médicament) constate que les mentalités ont déjà changé, parfois même un peu trop vite. « 85 % des jeunes médecins ne reçoivent plus la visite médicale, souligne-t-il. Je crois que quelque chose s'est cassé dans le modèle d'interaction que l'industrie pharmaceutique a eu ces 20 dernières années avec les médecins ». Preuve de cette restructuration, le nombre de visiteurs médicaux est passé de 24 000 en 2004 à 12 000 en 2016 ! Pas question pour autant de couper les liens avec la profession. Eric Baseilhac appelle de ses vœux « un nouveau cadre éthique » entre les praticiens et l'industrie du médicament. « L'indépendance est un mythe, prévient-il. La médecine, c'est la science des interactions ».
Les internes de médecine générale ont confirmé leur démarche. À l’issue de son conseil d'administration, l'ISNAR-IMG a créé un poste chargé de mission « Lutte contre les conflits d'intérêts », une autre première.
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