Recrutement des jeunes médecins

Vitalia passe à l’offensive

Publié le 29/04/2010
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DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

L’ENDROIT A ÉTÉ savamment sélectionné pour un premier contact : un bar cosy au milieu du parc fleuri et ensoleillé de Clermont-Ferrand. La souriante directrice des affaires médicales du groupe Vitalia, Sylvie Charlet, accueille les internes et chefs de clinique qui arrivent au compte-gouttes. Informés de la réunion par le syndicat local d’internes, ils sont une vingtaine à avoir fait le déplacement sur les 36 pré-inscrits. La faute à l’Olympique lyonnais qui joue ce soir-là une place en finale de la Ligue des champions de football. Cela n’entame pas l’enthousiasme des organisateurs. « Nous multiplions ce genre de contacts. Nous étions à Grenoble la semaine dernière », confie Sylvie Charlet. « Nous essayons de rencontrer le plus d’internes et de chefs de clinique en fin de formation, précise le Dr Richard Benhaïm. Ancien chirurgien viscéral et directeur de clinique à Saint-Amand, le Dr Benhaïm est depuis deux ans le directeur de la politique médicale de Vitalia. Nous sommes à la recherche de forces vives, bien formées, bien diplômées. Bien évidemment, notre but est d’en trouver à recruter. Pour ces jeunes, ces rencontres servent aussi à s’informer. C’est un investissement pour nous. Peut-être que dans six mois, l’un d’eux nous rappellera pour savoir si nous avons un poste à lui proposer. »

Devant un écran géant, les dirigeants de Vitalia font la présentation de deux avocats spécialistes du droit de la santé, de directeurs de clinique et d’un partenaire commercial. La chasseuse de têtes commence la présentation du deuxième groupe de santé privé en France : « Vitalia, créé en 2006, 46 cliniques… 135 médecins recrutés en 2009 pour 89 départs… une politique de recrutement très active ». Et pour cause : la grande majorité des 2 200 praticiens du groupe est proche de l’âge de la retraite. Près de 900 ont entre 50 et 60 ans et 450 ont entre 60 et 70 ans. « Avoir des médecins dans nos cliniques est très important », poursuit Sylvie Charlet. L’auditoire l’a bien compris : il est une denrée rare.

Avec cinq cliniques à Clermont-Ferrand, Vitalia joue à domicile. Le groupe a fait le choix de s’implanter dans de nombreuses villes moyennes du centre de la France comme Vichy, Aurillac, Nevers, Montluçon, Châteauroux… Des villes où le recrutement s’avère parfois compliqué. « Nous avons un maillage et une stratégie de travail en réseaux différente des autres groupes privés », commente le Dr Benhaïm.

Installez-vous, qu’ils disaient…

Les discussions tournent ensuite autour de l’installation. Un pas difficile à franchir pour ces futurs médecins. « Vous devrez faire des choix, indique Sylvie Charlet, vous installer en clinique seul ou vous associer à des confrères d’une même spécialité ; choisir le secteur I, le secteur II ou le secteur optionnel s’il voit le jour ; choisir le mode de société que vous allez créer (SEL, SCP…). Son installation, il faut la préparer un ou deux ans avant la fin de votre clinicat », poursuit-elle. Les deux avocats présentent ensuite le contrat d’exercice libéral du groupe Vitalia. « Un contrat léger, de quatre pages entre le médecin et l’établissement. »« Il vous faut un contrat écrit, vous ne pouvez pas vous en passer, déclare Me Yves Bismuth. Il précise : la clinique organise et met à disposition des moyens, vous, vous exercez votre art dans cet établissement. »

« La clinique investit pour ses médecins », déclare Sylvie Charlet pour justifier l’inscription d’une clause de non-réinstallation dans une zone définie. « Il y a très peu de litiges entre un médecin et un établissement, assure-t-elle. Le plus souvent, ils ont lieu entre médecins. » La directrice enchaîne par une rapide présentation du contrat d’engagement de service privé (CESP). Ce nouveau dispositif permet à un interne ou un chef de clinique de disposer pendant sa dernière année de cursus d’une prime de 1 500 euros par mois. En contrepartie, le bénéficiaire s’engage à exercer pendant au moins deux ans dans un établissement du groupe. Chaque participant repartira avec un flyer qui récapitule le dispositif. « On est OK pour vous ouvrir un bloc et vous faire visiter si vous voulez », ajoute la responsable à la fin de la réunion.

Très discrets pendant les échanges, certains internes et chefs de clinique repartent sans participer au cocktail. Qu’ont-ils retenu de la soirée ? « Je voulais connaître les différents modes d’installation qui existent, commente Géraud, 29 ans, interne en 4e année de chirurgie thoracique. Le privé, on ne connaît pas du tout. On a une vision exclusivement hospitalière pendant notre formation. J’aimerais rester à l’hôpital mais je ne veux me fermer aucune porte. » Sorti d’un pas pressé, Thomas, interne en 3e année de radiologie, reste indécis quant à son avenir. « Public ou privé, on verra bien. Les cabinets indépendants de radiologues ont tendance à disparaître. On a peut-être à perdre à se lier à un groupe qui n’est pas forcément philanthropique. » Un sentiment partagé par Édouard, interne en 2e année de chirurgie. « Ce qui m’embête, c’est que ce groupe est géré par un fonds de pension américain [Blackstone, N.D.L.R.]. J’ai peur que les critères économiques soient privilégiés aux critères médicaux et qu’au final l’hôpital s’occupe des cas désespérés quand le privé choisira ses patients. » Sentiments et préjugés. Les cliniques ont encore du travail pour séduire les jeunes médecins exigeants pour qui le secteur privé fait encore office de grand méchant loup.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8761