La période des fêtes et le début de l’année ont révélé, une fois de plus, les fragilités des urgences et, au-delà, du système hospitalier qui, un peu partout en France, se retrouve aujourd’hui sous forte tension sous l’effet de la grippe saisonnière et des autres affections respiratoires.
Alors que le ministère de la Santé restait muet sur la question du décompte, plusieurs dizaines d’établissements en tension ont déjà activé le plan blanc ou sont sur le point de basculer, principalement en raison de l’afflux de patients provoqué par l’épidémie de grippe qui s’est renforcée, confirme Santé Publique France. Ces plans permettent de mobiliser immédiatement des personnels (réaffectation, rappels pendant les congés), voire de déprogrammer certaines opérations pour faire face aux vagues de patients, ou en cas de situation sanitaire exceptionnelle.
Décompte sous-estimé
Ce mercredi étaient déjà en plan blanc notamment les CHU de Nantes, Rennes ou Reims, les centres hospitaliers de Laval, Cholet, Carpentras, Avignon, Vichy, Pontivy, Romans sur Isère, Abbeville, Metz ou encore Thionville… Le premier pointage d’une vingtaine établissements, cité par l’AFP à partir d’informations publiées en ligne par les hôpitaux ou l’administration, est sans doute largement sous-estimé.
Selon le Dr Louis Soulat, chef des urgences du CHU de Rennes/Samu 35 et vice-président de Samu Urgences de France (SUdF), « les plans blancs sont généralisés partout ou presque ». Le syndicat, qui a lancé une enquête pour quantifier le phénomène, réclame déjà une anticipation logistique de la situation épidémique via le besoin journalier minimal en lit (BJML, un outil de prédiction du nombre de lits nécessaires à une période donnée) et la création d’unités saisonnières.
Manque de soignants et de lits d’aval
Quoi qu’il en soit, le manque de personnels médicaux, paramédicaux et de lits d’aval pèse déjà lourdement sur certains hôpitaux. Le nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder, a reconnu ces tensions lors de son déplacement au CHU de Rennes, le 7 janvier, insistant surtout sur la régulation de l’accès aux urgences et la prise en charge en amont de l’hôpital. « Il y a à peu près 40 % des passages aux urgences qui pourraient être évités, a-t-il estimé. Il faut arriver à la généralisation 24 h sur 24 de l’appel au 15 avant d’aller aux urgences parce qu’on a encore trop de personnes qui se présentent spontanément et peuvent gêner la prise en charge correcte des patients qui ont vraiment besoin des urgences. » Il souhaite favoriser aussi « tout ce qui peut produire du soin sur le territoire » pour éviter le recours systématique à la porte des hôpitaux.
En ce début d’hiver, la dynamique épidémique – couplée au manque de lits disponibles – semble donc être la goutte d’eau qui fait déborder le vase hospitalier déjà bien rempli en temps normal. « On demande aux hôpitaux un taux de “remplissage” en hospitalisation avoisinant les 100 %. Dès qu’il y a un afflux, le vase déborde. C’est une hérésie en termes de santé publique », déplore le Dr Jean-Luc Landas, porte-parole de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité. Le résultat est connu : dans certains hôpitaux à nouveau, des patients parfois très âgés patientent de très longues heures, voire des jours, sur les brancards.
À Grenoble, « on a 60 patients sur les brancards tous les matins », racontait une médecin urgentiste mi-décembre à France 3 Auvergne Rhône-Alpes. Au CHU de Nantes, dans une lettre ouverte à la direction, le syndicat FO dénonce des temps d'attente atteignant désormais 20 à 30 heures et un « contexte de tensions inhumaines où plusieurs patients âgés attendent désespérément un lit ».
Reste que les plans blancs n’apportent aucune solution pérenne. Selon le Dr Christophe Prudhomme, président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), il y a même une « vague de démissions » après chaque plan exceptionnel. « Les urgentistes n’en peuvent plus de cette surcharge de travail et sont de plus en plus confrontés à de l’agressivité et à des violences de la part de patients eux-mêmes exténués. »
Baisse des tarifs et régulation : l’autre raison de l’embolie des Samu ?
Outre la fréquentation physique des urgences, l’activité des Samu s’est alourdie depuis le 1er janvier avec une nette hausse des appels. Une des raisons invoquées est l’obligation faite aux patients d’appeler préalablement le 15 ou le SAS avant de pouvoir accéder aux maisons médicales de garde afin que les médecins libéraux qui y exercent puissent être rémunérés correctement aux horaires de la permanence des soins.
La nouvelle convention médicale a en effet acté un encadrement strict de l’utilisation des majorations tarifaires aux horaires de PDS-A. Ces majorations de nuit, dimanche et jours fériés ne peuvent plus être facturées que pour les consultations adressées par le Centre 15 ou en cas d’urgence vitale du patient. En dehors de ces situations, les médecins doivent utiliser une nouvelle majoration de 5 euros seulement pour les actes non régulés.
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