Dr Hussein Yassine (CME de l’hôpital de Laval) : « Nous devons stabiliser les urgences pour rassurer la population »

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Publié le 08/07/2025
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Après la visite du ministre de la Santé Yannick Neuder dans les hôpitaux mayennais vendredi 4 juillet 2025, le président de la CME du CH de Laval salue une « petite bouffée d’oxygène » et l’abandon du projet de suppression de postes de soignants. L’anesthésiste espère stabiliser les effectifs aux urgences.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Yannick Neuder a été chahuté vendredi dernier lors de sa visite en Mayenne, alors que planait la menace de suppression de 57 postes à l’hôpital de Laval depuis juin. Vous êtes en partie rassuré ?

Nous étions contre le plan d'attractivité et de soutenabilité des investissements (Pasi) [qui prévoyait de supprimer une cinquantaine de postes pour redresser les comptes, NDLR]. On ne peut pas supprimer des postes dans un désert médical. Au moins, cette demande a été entendue.

Le ministre de la Santé a annoncé un plan de soutien de 24 millions d’euros, dont 10 millions pour Laval. Suffisant ?

On aurait aimé avoir davantage mais c’est une petite bouffée d’oxygène que nous saluons. Cette trésorerie servira à réduire la dette et à améliorer le fonctionnement de notre établissement. Car même pour payer les stagiaires, cela devient compliqué. Nos délais pour payer nos fournisseurs se sont allongés de 50 à 70 jours. Depuis 2022, nous avons eu 23 millions d’euros d’aides de l’ARS. Malgré cela, nous avons un déficit de près de 15 millions.

L’un nos gros points faibles se situe au niveau des urgences et de la pénurie de médecins. En un mois, à Laval, celles-ci ont été fermées 22 nuits et 10 jours ! C’est quasiment la moitié du mois. Si vous prenez la base de 90 à 120 passages par jour, cela représente 1 500 malades que nous avons du mal à absorber et que nous devons transférer sur Mayenne et Château-Gontier. J’ai alerté à plusieurs reprises sur cette situation. À force de fermer et de transférer nos urgences [sur les hôpitaux de Château-Gontier et Mayenne], nous déstabilisons les équipes de ces deux établissements et faisons fuir les médecins.

Nous sommes un géant aux pieds d’argile : nous réussissons à avoir des services attractifs, comme la réanimation, la cancérologie, l’hématologie, la cardiologie, la néonatalogie, bien que nous soyons dans un désert médical. Mais cela n’est pas le cas pour les urgences où il nous manque toujours vingt urgentistes dans tout le département. Depuis trois ou quatre ans, nous avons du mal à établir un planning pour répondre aux demandes de la population.

Quelle solution préconisez-vous pour les urgences ?

Ma recommandation reste la même, confirmée par deux audits. Nous devons stabiliser les urgences de Laval pour rassurer la population. Nous avons trois lignes de garde : les urgences proprement dites, le camion du Smur et la régulation par le Samu. Je préconise le transfert provisoire de la ligne de Samu au CHU d’Angers. Ce qui permettrait de dégager une ligne de garde et de moins fermer les deux autres lignes. Cette piste avait déjà été lancée en septembre 2024 et préconisée dans un rapport d’audit par deux PU-PH. Mais devant la levée de boucliers des syndicats, elle avait été abandonnée. Il faut sanctuariser la ligne de Smur et les urgences.

Le DG de l’ARS a déjà promis que nous aurions pour la régulation sept urgentistes, dont cinq d’Angers, un de Rennes et un du Mans. Leur mission consistera à absorber le flux des appels de la Mayenne, tout en maintenant les assistants de régulation médicale sur Laval. Cette situation sera transitoire, le temps de stabiliser nos effectifs. Les médecins libéraux avaient une réserve sur ce transfert de la régulation, mais après la réunion avec le ministre, les lignes ont bougé dans le bon sens.

Au-delà des urgences, nous devons mettre en place un projet d’efficience à l’échelle de l’hôpital. Un service qui a une activité de 40 % sera par exemple mutualisé avec un autre service, mais sans mettre de personnel à la porte. L’autre solution est d’augmenter l’activité pour améliorer l’attractivité. C’est ce que nous avons déjà fait pour la réanimation où nous avons absorbé l’activité d’AVC d’Angers à Laval. Ainsi, je suis passé de 1 à 8 internes et j’ai des demandes de médecins de Nantes, d’Angers et de Tours pour venir travailler dans notre service qui respire la santé !

Y a-t-il des spécialités particulièrement en souffrance ?

En psychiatrie, nous avons eu encore récemment deux départs de médecins qui n’ont pas été renouvelés. Mais la psychiatrie n’est pas la seule spécialité en danger. Il y a aussi la pédopsychiatrie, la maternité, la gastro-entérologie. Pire, il y a deux mois, le service de pédiatrie était entièrement occupé par des urgences pédopsychiatriques.

Le directeur de l’hôpital de Laval n’a pas été renouvelé dans ses fonctions. Est-il soulagé de partir ?

Sébastien Tréguenard termine son mandat de quatre ans et quitte ses fonctions le 8 septembre. C’est vrai que cela n’a pas été un mandat très facile, ni pour lui, ni pour moi. En Mayenne, la santé est hyper-politisée. Certes, c’est très bien que nos élus locaux assurent la défense de l’hôpital public, mais avec des avis divergents, ce qui a compliqué notre fonction de gouvernance.

Or nous avons besoin d’eux pour parler d’une seule et même voix. Au final, nous aurons un nouveau directeur par intérim fin septembre. L’hôpital est mis sous administration provisoire jusqu’à la fin 2025. Un nouveau directeur sera aux manettes début 2026.


Source : lequotidiendumedecin.fr