C'est une affiche de format A4, presque un bout de papier, qui fait parler de lui depuis plusieurs jours à Laval (Mayenne). Retirée depuis du service des urgences de l'hôpital de la ville, où elle avait été apposée en fin de semaine dernière de façon anonyme, l'affichette s'adressait « aux usagers du service des urgences du CH Laval », en leur suggérant d'aller « manifester [leur] colère » contre les délais d'attente « interminables » « en écrivant directement à l'ARS, 17, boulevard Doumergue, 44 262 Nantes cedex 2 ».
Le message explique le temps d'attente par la saturation du service – 94 passages par jour en moyenne pour des locaux et des effectifs prévus pour 75 – et les fermetures de lits – dont plusieurs dizaines « dans les mois à venir ». « Nous ne demandons pas d'argent mais juste les moyens de faire correctement notre travail pour vous offrir une qualité de soins que vous êtes en droit d'exiger », lit-on.
Repris par les médias locaux, ce message n'a pas été du goût d'André-Gwenaël Pors. Le directeur de l'hôpital de Laval donne sa version des faits. Cette affiche est un « tract » utilisé début 2018 au moment où le service des urgences connaissait une « grève larvée de deux-trois mois, dans un contexte de préparations des élections professionnelles », explique-t-il au « Quotidien ». « C'est une initiative individuelle et spontanée (...). C'est peut-être le fait d'un médecin, mais je ne vais pas sanctionner, même si ni la méthode ni le message ne sont très propres », précise-t-il.
Quatre heures d'attente pour un bobo
Reste le fond du problème : la saturation chronique du service, que le directeur tempère mais ne nie pas.
Les urgences ont reçu en moyenne 96 patients par jour en 2018 (+ 2,7 % par rapport à 2017, avec des pics à 135 passages par jour) alors que « l'organisation interne, de 20 ans d'âge, est prévue pour 60 patients adultes par jour ». « Ce n'est pas normal », déplore-t-il. Actuellement, le nombre de passages est « dans la moyenne ». André-Gwenaël Pors conteste le discours syndical : « On a ouvert huit lits tampons, on est de nouveau calme. »
Il réfute aussi l'argumentaire liant saturation du service à fermeture des lits. « Ce n'est pas la baisse du nombre de lits qui entraîne une tension aux urgences, c'est l'augmentation du nombre de patients debout qui passent par les urgences avant de rentrer chez eux, indique-t-il. La preuve : le nombre de patients hospitalisés après passage aux urgences est stable. » Le temps d'attente varie de « plus de 4 heures pour un bobo, ce qui n'est pas la majorité des passages, à une prise en charge immédiate pour un patient qui arrive couché ».
Défaillance en ville
Le problème vient selon lui de la démographie médicale déclinante en ville et du non-remplacement des départs en retraite des libéraux qui se succèdent depuis quatre à cinq ans à Laval. « Nous avons un centre original qui tourne avec des médecins retraités et des internes mais pas encore de maison de santé. Pour l'instant, ça ne risque donc pas de s'arranger pour les patients qui arrivent debout aux urgences », regrette André-Gwenaël Pors.
En attendant que la médecine de ville reprenne du poil de la bête, l'hôpital, dont les finances, de source syndicale, ne sont pas au beau fixe, entend relancer la commission ville-hôpital en partenariat avec l'Ordre des médecins en avril.
L'établissement a également pour projet la création d'une ligne téléphonique dans chaque service pour améliorer les échanges avec les généralistes libéraux. Enfin, pour contourner les urgences, l'hôpital envisage l'ouverture d'une plateforme de prise de rendez-vous en ligne par le généraliste pour son patient directement dans les services hospitaliers, que ce soit pour réserver une consultation ou même un lit d'hospitalisation, avec l'aval du médecin spécialiste.
Contactés, les personnels des urgences de Laval ont confirmé le retrait de l'affichette mais n'ont pas souhaité répondre à nos questions.
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