LE FAST-TRACK (circuit court) en anesthésie est une voie d’avenir en France, le Dr Alain Benichou en est convaincu. « Cela fait longtemps que cela existe aux États-Unis et il est évident que, dans notre pays, les établissements de santé y viendront eux aussi pour développer la pratique de la chirurgie ambulatoire. Il offre un bénéfice aux patients, aux praticiens, mais aussi à l’établissement et à la Sécurité sociale sur un plan économique », explique cet anesthésiste, coordonnateur de l’ambulatoire au centre Clinical, un établissement privé (groupe Vedici) situé à Soyaux, près d’Angoulême.
Le centre Clinical dispose de 90 lits de chirurgie d’hospitalisation conventionnelle et 57 places de chirurgie ambulatoire réparties en 45 places dans un circuit long et 12 dans un circuit court, mis en place après avoir visité plusieurs centres autonomes indépendants aux États-Unis.
Aujourd’hui, ce circuit court assure la prise en charge de 50 % de l’activité ambulatoire de la clinique. « Le fast-track est particulièrement adapté à l’activité de deux pôles que nous avons mis en place, l’un pour la chirurgie de la main, l’autre pour la chirurgie ophtalmologique (4 000 cataractes par an) », explique le Dr Benichou.
C’est en 2010 qu’a été mis en place ce circuit court qui est abrité dans une structure autonome intégrée à l’établissement. À leur arrivée, les patients se présentent, non pas à l’accueil de la clinique, mais à un secrétariat spécifique. Ils sont ensuite orientés vers une salle d’attente où une infirmière et une aide soignante vont les prendre en charge. « Ces soignantes vont jouer un rôle d’accompagnement des patients dans la préparation de l’induction. Une fois prêts, les patients passent directement du vestiaire au bloc opératoire tout proche, sans passer par une chambre ou un box », souligne le Dr Benichou, en ajoutant que la préparation, telle la dilatation en ophtalmologie, est initiée à domicile, avant d’être poursuivie dans la salle d’attente préopératoire. « Un élément très important est le fait que nous avons éliminé complètement le brancardage. Les patients vont au bloc et en ressortent à pied. Une des clés du succès est de rendre le patient actif ainsi que les accompagnants. À la sortie du bloc, nous avons aussi éliminé la salle de réveil. La sortie des patients est signée par l’anesthésiste ou le chirurgien au bloc opératoire et dépend de la réalisation d’un score de sortie (Aldrete), selon les dernières recommandations de la SFAR », explique Alain Benichou. Une surveillance de trente minutes est assurée dans un salon d’aptitude à la rue, notamment pour les cataractes, avant que les patients puissent quitter l’établissement. « Bien sûr, à tout moment, un anesthésiste peut intervenir en cas de problème », poursuit-il, en insistant sur le raccourcissement des délais de prise en charge. « Si tout se passe bien, un patient entré à 8 heures pour une cataracte sera sorti à 10 h 30. On n’est évidemment plus du tout sur le modèle qui est encore en vigueur dans certains établissements où, pour la même intervention, les patients peuvent rester hospitalisés deux jours. »
Pour le Dr Alian Benichou, le développement du fast-track est d’abord rendu possible par les progrès réalisés ces dernières années dans la mise au point de nouveaux médicaments et de nouvelles techniques d’anesthésie et de surveillance des patients. « Ce schéma ne peut fonctionner qu’à condition d’utiliser les drogues d’action rapide aussi bien intraveineuses que volatiles. Pour que le circuit court réussisse, il faut que ces drogues soient éliminées très vite et prévenir tout ce qui peut retarder la sortie du patient en particulier la douleur, les nausées ou les vomissements postopératoires. Aujourd’hui, nous avons à notre disposition ces molécules qui remplissent tous ces critères. Elles sont déjà couramment utilisées aux États-Unis et en France. Nous avons aussi de nouvelles techniques de surveillance et de monitoring, qui permettent que l’anesthésie soit d’une profondeur suffisante pour l’intervention chirurgicale, mais pas trop importante non plus pour assurer un réveil confortable et rapide. »
La prémédication a-t-elle sa place ?
Pour le Dr Benichou, la prémédication ne se justifie pas. « Si l’on a bien préparé le malade de façon verbale (hypnose conversationnelle), qu’on l’a rassuré, on a moins de risque d’avoir un effet avant et après l’intervention qui pourrait retarder la sortie », indique-t-il, en s’interrogeant aussi sur le maintien d’une consultation d’anesthésie systématique en l’état. « Si l’on voulait vraiment s’engager vers davantage de modernité, il faudrait faire évoluer cette consultation qui, aux États-Unis, n’est pas systématique pour tous les patients et devient dans certains cas un frein plutôt qu’un progrès. En France, elle a été mise en place avec les décrets sur la sécurité de 1994 pour éviter certaines dérives. Mais il faut bien reconnaître qu’un certain nombre de ces consultations, aujourd’hui, ne servent qu’à l’information et pourraient être faites, à distance, par téléconsultation. Cela permettrait une meilleure utilisation du temps pour l’anesthésiste et pour des patients qui n’ont aucun facteur de risque ASA1 ou ASA2 », estime le Dr Benichou.
Selon lui, ce circuit court devrait être amené à se développer au cours des prochaines années. « À terme, je pense que plus de la moitié de la chirurgie ambulatoire pourra se faire par ce circuit court. Il faut juste être conscient que cette formule n’est sans doute pas adaptée à tous les patients, notamment à certaines personnes âgées qui, même en cas de petite intervention, ont besoin d’être gardées un peu plus longtemps, surtout si elles vivent seules sans autonomie ou sont très dépendantes. Pour que cela fonctionne, il faudrait aussi davantage impliquer les médecins traitants et les centres de santé de proximité pour le suivi », estime le Dr Benichou.
En tout cas, le fast-track commence à susciter un certain intérêt au sein de la discipline. En mars 2012, au CNIT, une demi-journée a été consacrée à ce sujet lors des Journées d’enseignement postuniversitaire (JEPU) de La Pitié.
D’après un entretien avec le Dr Alain Benichou, anesthésiste au centre Clinical de Soyaux, membre du comité d’organisation des Journées d’enseignement postuniversitaire (JEPU).
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