C'est un ouvrage* choc que livrent les Prs Philippe Halimi, chef du service radiologie de l'hôpital parisien Georges-Pompidou (AP-HP) et président de l'association Jean-Louis Mégnien de lutte contre la maltraitance et le harcèlement au sein de l’hôpital public, et Christian Marescaux, ancien chef du service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS).
Le livre recense une dizaine de témoignages de médecins hospitaliers, pour l'essentiel PU-PH, victimes de harcèlement à l'hôpital. Les deux spécialistes mettent en lumière deux types de harcèlement.
Il y a d'abord le « conflit interindividuel » ou l'abus de pouvoir d'un responsable de service ou administratif, d'un chef de pôle, d'un cadre ou d'un directeur sur un médecin subordonné. Le praticien est isolé, on lui interdit d'opérer ou de consulter, « sa mise à l'écart et son éviction s'organisent », écrivent les auteurs. Selon eux, « c'est ce type de harcèlement moral qu'a subi le Pr Jean-Louis Mégnien et qui l'a amené à mettre fin à ses jours », à l'hôpital Georges-Pompidou, en décembre 2015. C'est aussi ce qui a poussé cet autre PU-PH à quitter son hôpital du sud de la France après six années de « calvaire » et de conflit ouvert avec un autre PU-PH. Aujourd'hui, il « panse ses plaies » et se reconstruit tant bien que mal ailleurs, en passant sous silence son histoire.
Il y a aussi le « harcèlement moral institutionnel », qui « frappe souvent celui qui ne participe pas au déni collectif des critères de qualité du travail ». Ce médecin-là est un lanceur d'alerte, un gêneur. Il est alors « mis en recherche d'affectation » par sa direction. Une placardisation en bonne et due forme, parfois avec la « complicité » de la hiérarchie médicale et/ou administrative. Le Dr Florence Rollé, cardiologue réanimatrice au CHU de Limoges, a ainsi été mise sur la touche. En arrêt maladie depuis un an, elle livre un témoignage brut de son éviction après « 25 ans de plein investissement et d'épanouissement professionnel » et le décès accidentel de son chef de service, déclencheur de la crise. Des enjeux de pouvoir éclatent au grand jour, la protégée du « patron » est écartée. « J'ai pensé disparaître, j'ai hurlé ma souffrance à mes proches. Mes supérieurs s'en fichent a priori », écrit-elle.
Rompre le sentiment d'impunité
Depuis le décès du Pr Mégnien, l'association éponyme a recensé 400 signalements de harcèlement. Pour en finir et arrêter « la destruction de l'hôpital public », les Prs Halimi et Marescaux publient 16 propositions prioritaires. Ils réclament le déclenchement « systématique » d'une procédure disciplinaire et de sanctions à l'encontre des oppresseurs pour rompre le « sentiment d'impunité totale » qui les conduit à reproduire des pratiques maltraitantes tout au long de leur carrière.
Ils souhaitent aussi faire reconnaître la « faute inexcusable » de l'employeur en cas de suicide. Les victimes doivent quant à elles obtenir automatiquement la protection fonctionnelle (outil statutaire méconnu à la disposition des agents publics). Enfin, les auteurs suggèrent un « amendement » à la loi Bachelot pour rééquilibrer la gouvernance hospitalière et un fonctionnement « plus transparent » des agences régionales de santé (ARS) et du centre national de gestion (CNG), qui gère les carrières médicales à l'hôpital.
*« Hôpitaux en détresse, patients en danger », eds. Flammarion, 291 pages, 19,90 euros.
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