« AUJOURD’HUI, le nouveau pouvoir à l’hôpital est le pouvoir de l’assurance-maladie qui, selon son bon vouloir, décide de prendre en charge ou de ne pas prendre en charge certaines activités en particulier en hôpital de jour. Et le problème est que d’un endroit à l’autre, les décisions des caisses peuvent varier sensiblement », constate le Dr Gaillat. « Ce qui est déstabilisant est le fait que la caisse peut nous « retoquer » certains diagnostics cliniques alors que les gens qui prennent la décision ne sont pas des cliniciens au contact des malades. À l’évidence, la définition du mot « septicémie » n’est pas la même pour un médecin de la caisse que pour un médecin infectiologue. Et ce qui est un peu agaçant, c’est la prétention des caisses à vouloir nous expliquer notre métier… ».
La « circulaire-frontière ».
Selon le Dr Gaillat, la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) n’a pas été sans conséquences sur le suivi des patients atteints de pathologies chroniques telles que le VIH/sida. « Pour les patients reçus en consultations externes, cela n’a pas eu d’impact. En revanche, pour les patients suivis en hôpital de jour, cela a eu un impact réel avec mise en place de ce que nous appelons dans notre jargon, la « circulaire-frontière », ce texte de la DHOS (Direction de l’hospitalisation et l’organisation des soins) qui vise à éviter un transfert entre les consultations externes et l’hôpital de jour.
« Concrètement, cette circulaire réglemente l’accès à l’hôpital de jour en tenant compte de certains critères : l’utilisation de plusieurs plateaux techniques, des consultations de différents spécialistes en même temps…, explique le Dr Gaillat. Dans le cadre du VIH, nous avions un certain nombre de patients qui venaient en hôpital de jour pour faire leurs bilans, voir l’infirmière pour les questions d’observance avant la consultation avec l’infectiologue », ajoute-il. Ce type de prise en charge devient compliquée avec la T2A.
Hépatite C et pied diabétique.
« C’est la même chose pour le bilan hépatite C. En nous référant pourtant à la circulaire, nous avons mis en place un bilan comprenant une prise de sang pour faire un acti-test-fibrotest, une échographie standard faite dans le service de radiologie et un avis de l’infectiologue ou du gastro-entérologue. Le problème est que nous sommes « retoqués » par la caisse qui estime que cela ne relève pas de la prise en charge d’un hôpital de jour. De la même façon, nous avons d’authentiques problèmes avec des patients lourds, par exemple de type paraplégiques avec des escarres, qui nécessitent des pansements pour lesquels il faut bien compter une ou deux heures de temps infirmier », indique le Dr Gaillat, en ajoutant qu’une solution pourrait être la mise en place d’une sorte de « forfait intermédiaire » pour permettre ce type de prise en charge.
De son côté, le Dr Xavier Courtois, évoque le problème du pied diabétique : « Il y a des patients dont on ne sait plus trop quoi faire car la circulaire-frontière rend difficile leur prise en charge à l’hôpital. Le problème est que ces patients ne sont traités en ville car leur prise en charge prend beaucoup de très temps et n’est donc pas « intéressante » pour le secteur libéral ».
En hospitalisation conventionnelle.
En ce qui concerne l’activité d’aigu et les hospitalisations conventionnelles, le Dr Gaillat souligne que la façon de coder peut entraîner des écarts de tarification parfois considérables. « Avec la V11, on se rend compte que, pour un même patient, il peut y avoir des écarts de 2 000 ou 3 000 euros en fonction du codage. Il suffit parfois de mettre un diagnostic associé à la place du diagnostic principal et vice-versa ».
Le Dr Courtois regrette, pour sa part, le manque de visibilité de la tarification d’une année sur l’autre. « Les tarifs peuvent varier chaque année, ce qui ne rend pas les choses faciles pour les cliniciens mais aussi pour la gestion hospitalière. Une année, une activité peut être rentable et, l’année suivante, elle ne l’est plus parce que le tarif a changé. Dans certains cas, aussi, le tarif vise à donner une incitation positive ou négative. Par exemple, à un moment, on a souhaité donner une incitation positive en faveur des soins palliatifs. Ensuite, une fois que cette activité a été mise en place, le tarif a été minoré de manière assez significative ».
Opacité.
Le Dr Gaillat estime enfin qu’il règne une « certaine opacité » sur les dotations liées aux missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC). « Nous sommes concernés, notamment via les CDAG (Centres de dépistage anonyme et gratuit) et il faut bien reconnaître que nous avons parfois du mal à savoir les sommes qui sont allouées dans le cadre des MIGAC ». Au final, pour parler du problème lié à la T2A, il évoque une image sportive. « C’est un peu comme si vous mettiez des coureurs sur la ligne de 100 m, que vous leur demandiez d’aller le plus vite possible, tout en reculant sans arrêt la ligne d’arrivée ».
* D’après un entretien avec les Drs Jacques Gaillat, chef du service des maladies infectieuses et Xavier Courtois, chef du service de l’information et l’évaluation médicale, centre hospitalier d’Annecy.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne