Le projet d’hôpital Albertville-Moûtiers sur un site unique vient d’être enterré par l’agence régionale de santé, trop coûteux. Hospitaliers et élus locaux sont furieux.
Huit ans qu’ils l’attendaient. Peine et temps perdus. La semaine dernière, l’ARS Rhône-Alpes a mis un coup d’arrêt au projet de reconstruction du centre hospitalier Albertville-Moûtiers (CHAM, 580 lits), en Savoie. Dans ce paysage alpin où, en hiver, les kilomètres s’avalent au ralenti et les « traumas » en provenance des pistes sont légion, les deux établissements du CHAM, distants d’une trentaine de kilomètres, ne fusionneront pas. Le projet d’hôpital unique, soutenu par les élus et les 86 médecins hospitaliers devait se concrétiser à La Bâthie, bourg de 2 000 âmes situé en plaine.
Pourquoi ce coup d’arrêt ? L’aspect financier tout d’abord : le projet coûte encore près de 100 millions d’euros et les caisses de l’État sont vides. Éligible au plan Hôpital 2012, le nouveau bâtiment devait être financé à hauteur de 60 % par l’État, mais le gouvernement précédent n’est jamais allé au-delà d’un engagement de principe. La décision de l’ARS – qui préfère parler d’un projet « différé » plutôt que supprimé – confirme que Marisol Touraine n’est plus prête à mettre la main au portefeuille.
« Aberration », « douche froide » et « consternation »
Professionnels de santé et élus locaux n’ont pas de mots assez forts pour crier leur colère. « Nous avons recruté très récemment un endocrinologue et deux chirurgiens – un viscéral et un « ortho » – en leur assurant que bientôt, ils bénéficieraient d’un plateau technique neuf et de services regroupés sur un seul établissement, déplore le Dr Dominique Mertuk, président de la CME du CHAM. Seront-ils encore parmi nous dans six ou huit mois ? Je ne peux l’assurer. »
Le gériatre évoque « l’épuisement » des médecins « qui passent leur temps à courir d’un hôpital à l’autre » et les risques accrus d’accident. « Une patiente de 75 ans prise en charge à Albertville sera d’office mutée à Moûtiers, où se trouve la gériatrie, détaille-t-il. Et en été, la prise en charge d’une urgence digestive à Moûtiers sera transférée au service de chirurgie dédiée à Albertville. On pensait en avoir fini avec ces navettes systématiques. » Le maire de La Bâthie, Denis Muraz, est « écœuré ». Très impliqué dans le projet, l’homme n’hésite pas à parler d’« atteinte à la santé pour tous », d’autant que les deux établissements avaient anticipé la reconversion de leurs vieux murs. « Ils voulaient utiliser un bâtiment pour la formation médicale, une école d’infirmières par exemple, et spécialiser le second en gériatrie, explique M. Muraz. Cela répondait aux besoins de la population. »
La médecine de ville privilégiée
En lieu et place du nouvel hôpital, l’ARS préfère un « projet alternatif » tourné vers la médecine de ville, « qui répond mieux à la problématique des transports en montagne », explique son directeur général Christophe Jacquinet. Trois niveaux de prise en charge seraient développés dans les stations : consultation « simple » en centres ou maisons de santé pluridisciplinaires ; radiologie et petite chirurgie « pour la traumatologie sportive » dans les cabinets des médecins de montagne ; aide médicale d’urgence assurée par les médecins correspondant SAMU. « Tout cela existe déjà mais nous souhaitons privilégier cette approche qui vise à éviter aux patients de redescendre dans la vallée pour se faire soigner », argumente Christophe Jacquinet. En parallèle, l’hôpital d’Albertville, « rapidement construit pour les J.O. de 1992 », serait « modernisé » et la collaboration médicale avec Bourg-Saint-Maurice renforcée en gérontologie. En tout, le projet coûterait « entre dix et 50 millions d’euros », estime le directeur.
En cours de formation, un comité de pilotage territorial (élus, hospitaliers, libéraux, ARS) aura jusqu’en juin 2013 pour trancher.
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