Un urgentiste du centre hospitalier de Cognac a saisi en référé le tribunal administratif de Poitiers. Il conteste une rétention de salaire de 5 400 euros en 2 mois pour irrespect d’une obligation de service fixée à 48 heures. Une durée plafond qui n’est pas la norme, estime le médecin.
Combien de temps un hospitalier est-il obligé de travailler ? Le Dr Mohamed Ettahiri, urgentiste au centre hospitalier intercommunal du pays de Cognac, est décidé à porter la question devant la justice, après que sa direction a retenu sur son salaire 5 400 euros pour « service non fait ». Deux de ses collègues se sont également vu retirer 1 300 et 1 400 euros.
Le directeur de l’hôpital, François Fraysse, estime que le Dr Mohamed Ettahiri n’a pas effectué son obligation de service, fixée à 48 heures par semaine par le règlement intérieur de l’établissement. « Cela fait 2 ou 3 ans qu’il refuse de faire 7 gardes de 24 heures et n’en assure que 5 ou 6 par mois. Cela va à l’encontre du règlement intérieur du centre hospitalier. À l’égard des autres médecins, on ne peut pas accepter un régime particulier », explique François Fraysse. Quelque 170,7 heures manqueraient au tableau de bord de l’urgentiste sur un total de 2 496 heures attendues en 2011.
Vide juridique
Les deux parties s’affrontent sur le problème du temps de travail des médecins à l’hôpital public qui n’a jamais été résolu depuis le passage aux 35 heures. Les praticiens hospitaliers ont alors bénéficié de 20 jours de RTT afin de compenser leurs 39 heures hebdomadaires, durée minimum d’exercice. Au-delà, la limite est fixée à 48 heures par semaine, dans 2 textes avancés par le Dr Ettahiri : une directive européenne du 23 novembre 1993, et un protocole de 2001 signé par les syndicats des PH et le ministère de la Santé.
« L’AMUF rappelle que quel que soit le mode de décompte (demi-journée ou en temps continu), la durée hebdomadaire de travail, gardes comprises, ne peut dépasser 48 heures en moyenne lissée sur 4 mois (...) Cette limite constitue un plafond et en aucun cas une durée moyenne ou "légale" ouvrant droit à des régularisations », précise le syndicat présidé par le Dr Pelloux dans une lettre au directeur.
Le Dr Ettahiri, également délégué départemental de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF), dénonce fermement la légitimité d’une obligation de service fixée à 48 heures. « C’est un plafond maximum, ce n’est pas la norme. Faire 48 heures toute l’année, c’est perdre le bénéfice de la réduction du temps de travail car nous sommes indemnisés sur 39 heures par semaine », juge-t-il.
Bertrand Fraysse oppose à cet argumentaire un arrêté sur la permanence des soins de 2003 qui précise qu’au-delà de 48 heures, et avec son accord, le médecin doit être payé en temps additionnel. « La durée du travail exigée peut donc être de 48 heures », conclut le directeur. « Certes, nous sommes dans la fourchette haute. Mais Cognac n’est pas un cas isolé, tous les établissements que je connais ont adopté la même norme », concède-t-il, tout en rappelant l’étroitesse des budgets.
« La législation sur la durée du temps de travail des médicaux est extrêmement compliquée, car elle s’entrelace avec les textes européens », tempère Philippe Blua, président du syndicat des managers publics de santé (SMPS). « Il faudrait une législation différenciée selon les médecins postés, dont on compte les heures, et les médecins non postés, en travail discontinu, avec une clarification des règles horaires », poursuit-il.
Le tribunal administratif de Poitiers devrait trancher le litige entre la direction de l’hôpital de Cognac et le Dr Ettahiri avant la fin du mois. Les pouvoirs publics pourraient également se prononcer sur la question. En 2011, Michèle Delaunay, aujourd’hui ministre déléguée chargée des personnes âgées, interpellait le gouvernement sur « le vide juridique qui entoure la rémunération des praticiens hospitaliers ». Elle lui demandait de remédier à la « confusion entre durée de travail maximum et durée de travail obligatoire ».
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