Le 1er juillet 2008, une cadre du service de radiologie à l’hôpital Bichat met fin à ses jours à son domicile. Elle explique dans une lettre que son geste est lié à ses conditions de travail.
Quatre ans plus tard, le 21 juin 2012, le tribunal administratif de Paris requalifie ce décès en accident de service. Soulagement de la famille, du personnel et des organisations syndicales. « Jamais aucun suicide à domicile n’a été déclaré en accident du travail en France. C’est une première », commente Sandrine Desgrugilliers, secrétaire de la section SUD santé et secrétaire du CHSCT à l’hôpital Bichat.
À la demande du tribunal, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient d’adresser un arrêté à la famille de la défunte, par lequel il reconnaît le suicide comme accident de service. L’institution a deux mois pour faire appel.
La cadre aurait été poussée à bout par une forte surcharge de travail, expose la section SUD santé de l’hôpital Bichat. « Cette cadre faisait le travail de trois personnes, relate Sandrine Desgrugilliers. Elle travaillait 14 heures par jour, revenait sur ses congés. En un an elle avait accumulé 1 589 heures supplémentaires. Nous espérons que l’AP-HP ne fera pas appel pour permettre à la famille de faire son deuil. Et nous espérons que cette décision fera changer les mentalités à l’hôpital Bichat. Les personnels paramédicaux y font des horaires insupportables. On profite de leur professionnalisme pour leur en demander toujours plus ».
Dialogue social en panne
Le secrétaire général du syndicat SUD-Santé à l’AP-HP déplore un dialogue social en panne à tous les niveaux au sein du CHU. À l’hôpital Henri Mondor, où Jean-Marc Devauchelle est en poste, l’ambiance au bloc opératoire s’est brutalement dégradée ces dernières semaines. Une grève a même été organisée. En cause : le passage aux 10 heures de travail par jour imposé à l’ensemble des paramédicaux. « Cette organisation permet des gains de personnel et de productivité, observe Jean-Marc Devauchelle. Le passage aux 10 heures est compréhensible pour certains blocs. Mais l’imposer à tout le personnel, c’est refuser de prendre en compte certaines problématiques personnelles. Pour ce sujet comme sur tous les autres, il n’y a plus de discussion. Personne ne répond ».
Aux yeux du syndicaliste, les risques psychosociaux ont atteint un niveau critique au sein des hôpitaux parisiens. « Il est grand temps qu’on renforce les effectifs, qu’on écoute enfin les gens, et qu’on revoie l’organisation en remettant un encadrement de proximité », dit-il.
La ministre de la Santé alertée
Le syndicat SUD-Santé de l’AP-HP a adressé plusieurs courriers d’alerte à Marisol Touraine au cours des dernières semaines. La ministre de la Santé, pour l’heure, n’y a pas répondu. L’organisation dénonce, en vrac, la chasse aux arrêts maladie, des plannings chamboulés sans cesse, le manque d’effectifs, la mise en place des 10 ou 12 heures de travail par jour, les mobilités subitement imposées au personnel, ou encore la suppression des collations des équipes de nuit. Les jours stockés sur les comptes épargne temps par le personnel de l’AP-HP équivalent à 5 000 postes sur une année, rappelle le syndicat. « Ces nouvelles organisations dictées par la loi HPST se mettent en place au détriment de la santé des personnels », insiste SUD-Santé dans l’un de ses courriers.
La direction de l’AP-HP, contactée par « le Quotidien », indique qu’elle ne fera pas appel de la décision de justice.
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