Un camion de formation itinérant utilisant la vidéo et l’intelligence artificielle (IA), financé à hauteur d’un million d’euros, au service des équipes opératoires : c’est le pari de l’assureur Branchet. Cet acteur spécialisé dans la RCP médicale des praticiens sur plateaux techniques lourds est convaincu qu’un débriefing des interventions épaulé par les algorithmes peut améliorer significativement les pratiques, réduire les sinistres et donc améliorer la sécurité au bloc.
« Depuis dix ans, nous avons déjà montré que nos formations diminuent la probabilité d’incidents de 20 %. Nous comptons encore gagner 20 % d’ici à cinq ans… », avance Philippe Auzimour, directeur général de Branchet, qui revendique 7 000 praticiens assurés. En 2018, l’assureur faisait état d’un sinistre tous les trois ans par praticien contre un tous les quatre ans aujourd’hui.
80 % des événements indésirables graves étaient imputables aux facteurs humains et à l’insuffisance de soft skills
Or, Branchet a constaté – dans sa dernière cartographie des risques opératoires 2023-2025 – que 80 % des événements indésirables graves étaient imputables aux facteurs humains et à l’insuffisance de soft skills (compétences non techniques, c’est-à-dire l’intelligence relationnelle, les capacités de communication, l’empathie, etc.), qualités qui restent sous-estimées dans la formation médicale des chirurgiens.
Interruption de tâches
D’où l’idée de se mobiliser spécifiquement pour cet enjeu. Afin d’illustrer cette problématique, Branchet n’hésite pas à montrer une vidéo qui scénarise un anesthésiste préparant un médicament interrompu par un confrère chirurgien et… se trompant de produit anesthésique. Ce qui présente un risque fatal. L’interruption de tâches fait partie des scénarios proposés par l’assureur. Comme dans l’aéronautique, un environnement d'apprentissage immersif permet aux professionnels de santé de répéter des situations d'urgence de façon hyperréaliste et de perfectionner leurs techniques sans mettre leurs patients en danger.
L'unité mobile de simulation est ainsi dotée d'un dispositif audiovisuel avancé : durant l’opération, caméras et capteurs audio enregistrent les interactions entre soignants, mis dans des situations d’urgence au bloc opératoire à l’aide d’un mannequin haute-fidélité. Les données (son et vidéo) sont analysées par une IA, capable d'identifier les erreurs (comportements inattendus, non-respect des procédures, stress bloquant, etc.), les oublis ou encore l’agressivité et d'extraire des enseignements clés. Les images sont anonymisées et le son des voix modifié pour assurer un débriefing sécurisant et bienveillant. Le débriefing – lui aussi assisté par IA - permet aux participants de comprendre leurs points d'amélioration, avec un retour d'expérience objectif et personnalisé. Plusieurs règles sont édictées, comme la confidentialité, l’accord sur un contrat fictionnel (le fait de jouer le jeu) et l’absence de jugement des individus.
Corriger les biais cognitifs
« Au sein d’une équipe, il peut y avoir des débordements émotionnels qui vont dans tous les sens, argumente le Pr Pierre Albaladejo, anesthésiste au CHU de Grenoble. Nous sommes confrontés en permanence à des biais cognitifs qu’il nous faut rattraper. Il faut s’habituer à gérer ses erreurs, c’est normal d’en commettre. Cela prouve qu’on a travaillé ». Le CHU de Grenoble a réalisé une étude pour mesurer l’impact positif de la simulation dans la communication au bloc : audit des échanges, des check-lists, du travail d’équipe, de la sécurité, etc. Environ 200 soignants (chirurgiens, anesthésistes, Ibode, brancardiers) ont participé à ces scénarios, soit un quart des effectifs opératoires du CHU. Les résultats ont montré qu’un tiers des interactions et échanges au bloc ne sont pas conformes aux règles et protocoles de sécurité. « Cela a également montré qu’il est possible de corriger les pratiques par la simulation avec des retours critiques », indique le Pr Albaladejo.
« Le principe est d’apprendre des gestes et des attitudes de manière sécurisée sur la base de “Jamais la première fois sur un patient”, ajoute le Pr Julien Picard, anesthésiste-réanimateur au centre d’évaluation et de simulation Alpes Recherche (Cesar). Aujourd’hui, on demande à des praticiens d’annoncer des diagnostics lourds, de gérer des urgences ou de diriger des équipes sans jamais leur avoir enseigné comment bien communiquer. »
Au Danemark, souriez vous êtes filmés !
La Black Box OR, technologie utilisée par Branchet pour son camion, est opérationnelle au Danemark au sein du plus grand hôpital universitaire de Copenhague dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’UE qui vise à améliorer l’environnement de travail au bloc. L’objectif est de mesurer si le débriefing vidéo après des vraies interventions chirurgicales stressantes améliore le ressenti des soignants et réduit la fatigue mentale. « Il faut que le staff accepte d’être filmé », explique la Pr Jeanett Strandbygaard, obstétricienne au sein de cet hôpital. Après une étude de faisabilité réalisée entre mai 2017 et mai 2021 qui a impliqué 152 membres du bloc opératoire et 750 patients, les résultats montrent une forte acceptation des équipes et des résultats probants sur la diminution des erreurs.
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