Plus d’un an après l’adoption de la loi Valletoux, qui promettait un partage plus équilibré de la permanence des soins en établissement de santé (PDSES) entre le public et le privé, afin de sécuriser les lignes de garde, le décret d’application est enfin paru au Journal officiel ce mercredi 5 février.
Attendu et redouté par les hôpitaux, les cliniques, et les médecins libéraux qui exercent dans ces dernières, le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Pour rappel, la permanence des soins décrit la prise en charge des nouveaux patients au sein des établissements aux horaires propres à la PDSES (la nuit, le week-end à partir du samedi après-midi et les jours fériés), en lien avec les urgences. Elle porte sur le seul champ de la médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) et concerne tous les établissements, peu importe leur statut. Du moins sur le papier : selon un récent rapport qui a passablement agacé le secteur privé, l’activité de permanence des soins en établissement est assurée à 83 % par le public.
- Un appel à candidature plus souple
Le décret apporte des précisions mais aussi de la souplesse dans l’organisation de la PDSES dès l’appel à candidature de l’ARS, y compris en cas de tensions constatées sur le terrain.
Désormais, l’ARS procède à un appel à candidatures « afin de désigner les structures attributaires des implantations de permanence des soins pour celles des activités de soins et pour les équipements matériels lourds dont les conditions d'implantation ne prévoient pas d'obligation en la matière ». Cette distinction entre soins et plateaux techniques, qui différencie souvent un hôpital d’une clinique, n’existait pas auparavant. Elle fait le jeu des cliniques, qui ne sont pas toujours en mesure de prendre en charge certaines urgences [la traumatologie lourde par exemple], n’ont pas les autorisations adéquates où peuvent assurer les prises en charge en urgences mais dans des centres de soins non programmés – qui ne requièrent pas, pour l’instant, d’autorisation ad hoc.
Un autre point du décret réjouira le secteur privé. Si une ARS se rend compte qu’un établissement doté des autorisations de PDS n’est pas en mesure « d'assurer pleinement la mission jusqu'à son terme », elle peut relancer l’appel à candidatures.
Enfin, s’il n’existe qu’un seul hôpital ou clinique suffisamment solide sur un territoire pour assurer la PDS sur une spécialité en particulier, l’ARS peut lui donner son feu vert sans procéder à un appel à candidatures. Le gain de temps administratif est évident.
- La PDS alternée, utile mais pas simple à mettre en route
Le décret supprime le cahier des charges de l’appel à candidatures et le remplace par le principe de « PDS alternée ». L’idée, qui ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté médicale, est de faire courir une ligne de garde sur deux établissements pour mieux partager les ressources médicales.
Ainsi, un hôpital et une clinique peuvent par exemple répondre ensemble à un appel à candidatures, à charge pour eux de préciser dans leur projet « les modalités d'organisation des cycles d'alternance ». Sous réserve de l'accord préalable de l’ARS, une structure peut se retirer de cette organisation alternée. À l’inverse, un ou plusieurs nouveaux établissements peuvent se joindre au projet sans refaire les démarches administratives. Ils peuvent simplement prendre le train en marche.
- Les libéraux davantage sollicités mais toujours volontaires et concertés
Cette souplesse vaut aussi pour la désignation des équipes médicales, que les établissements peuvent solliciter avec davantage de latitude. En clair, un hôpital ou une clinique peut assurer la PDS « en recourant à des professionnels de santé qui n'exercent pas en son sein ». Ces soignants « déportés » doivent être volontaires pour cette mission et ils peuvent être libéraux ou hospitaliers. Dans tous les cas, cela doit être précisé dans la réponse à l’appel à candidatures, ce qui présuppose une concertation en amont avec l’objectif d’éviter les mauvaises surprises.
- Le constat de carence si la machine se grippe
Si le décret apporte sans conteste de la souplesse aux hôpitaux et cliniques pour s’organiser à l’échelle territoriale, il ne donne pas moins de pouvoirs aux ARS (qui désignent les structures habilitées à assurer les lignes de garde).
Nouveauté, en cas d’appel à candidatures « infructueux » (ou même dans l’attente des résultats de cet appel si la situation l’exige), l’ARS dresse « un constat de carence » par zone et/ou par spécialités médicales concernées. Ce qui lui donne le droit de convoquer établissements et libéraux pour trouver une solution collective. Et si cette concertation ne donne pas de résultats concrets satisfaisants, l’ARS peut « désigner une ou plusieurs structures pour assurer la permanence des soins pour les spécialités concernées ou y contribuer ». Là encore, le principe de l’alternance est possible. Avant ce décret, l’étape de concertation n’existait pas dans le marbre réglementaire.
La liste des structures assurant la mission de PDSES est mise à jour sur le site de l’ARS. À noter que les décisions du directeur de l’ARS sont publiées au recueil des actes administratifs de la préfecture de région.
- Et l’argent ? Quand c’est flou…
Comme avant, la participation des établissements de santé, des hôpitaux des armées et des libéraux à la PDSES peut être valorisée par un financement issu du fonds d’intervention régional (FIR). Un premier arrêté (encore à paraître) devra préciser la « nature des charges couvertes, qui peut être différente en fonction des catégories de structures ». Un second texte fixera « les conditions d’indemnisation » des médecins impliqués dans la PDSES « lorsqu'ils interviennent à titre libéral », les samedis après midi, dimanches et jours fériés ainsi que la nuit.
- Les grandes manœuvres commencent
Le décret exhorte désormais toutes les ARS à lancer dès à présent un premier appel à candidatures « en vue de réattribuer l'ensemble des implantations de permanence des soins ». Entre les cliniques et les hôpitaux, les prochains mois seront cruciaux.
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