Risque épidémique minimisé, impréparation logistique, culture défaillante en matière de santé publique… À rebours du satisfecit qui prévaut parfois du côté du gouvernement, la Pr Anne-Claude Crémieux a fustigé la gestion française de la crise sanitaire et poussé à ne plus reproduire les mêmes erreurs. « Toutes les erreurs de réaction possibles face à une épidémie ont été commises par nos dirigeants. Nous n'étions pas prêts », a lancé le Pr Anne-Claude Crémieux, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), lors d’une table ronde organisée par l'Association pour le progrès de la biologie médicale (APBM), qui fédère les grands réseaux de laboratoires de biologie médicale français.
Signaux d'alerte ou sur-réaction ?
SRAS, grippe A… « Nous n’avons pas su tirer les leçons des pandémies antérieures, c’était pourtant un vrai signal d’alerte », souligne le Pr Crémieux. Les stocks de masques, constitués après les épidémies de SRAS et de H1N1, ont disparu comme peau de chagrin car « les différents gouvernements ont oublié une des leçons essentielle pour gérer une pandémie : toujours se préparer au pire des scénarios », regrette l’infectiologue. Un argument de la précaution maximum souvent développé par Roselyne Bachelot pour justifier sa propre stratégie, en 2010, face au danger de la pandémie de grippe A, lorsque la ministre de la Santé avait commandé des stocks massifs de vaccins et de masques, s’attirant alors des critiques sur… son excès de zèle.
Également présente à cette table ronde, Nadia Bouzigues, directrice de la task force « Test Covid-19 » au ministère de la Santé, concède un excès de confiance en début de crise. « On avait cette fausse certitude que le SRAS ne pourrait jamais arriver en Europe. En février 2020, alors que le Covid était déjà en Italie, on persistait à penser que ça ne pouvait pas nous toucher ». Une minimisation du risque, dont les racines se trouvent dans la gestion de la crise précédente, selon Nadia Bouzigues : « H1N1 a profondément marqué le monde politique. Il y a eu cette crainte pour les gouvernements de surréagir ». La prochaine fois, « on ne se laissera plus surprendre par des stocks insuffisants, nous n’aurons plus peur de surréagir et d’être ridicules », confie-t-elle.
« Il n’y plus de santé publique en France »
« Le plan pandémie, rédigé en 2011, n’a jamais été appliqué ! », abonde le Dr Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de la fédération d'associations de patients France Assos Santé. À ses yeux, les pays qui ont le mieux contenu la pandémie sont ceux qui ont appliqué leur plan de gestion de crise à la lettre et précocement. « Ces pays-là ont adopté une stratégie de suppression du virus, leurs hôpitaux n’ont jamais été en saturation ».
Car s’il y a une leçon à tirer de cette crise, c’est l’effritement des politiques de santé publique dans l'Hexagone. « Mon constat – je vais être sévère – c’est qu’il n’y plus de santé publique en France, aucune stratégie », assène le Pr Anne-Claude Crémieux. Même constat sévère pour le Dr Thierry qui pointe un problème plus global. « La France n’est pas parmi les meilleurs : nous ne sommes pas très bons sur le tabac, à contre-pied total sur le cannabis -– car la stratégie obéit à des enjeux politiques et non scientifiques – et pour l'alcool, aucune mesure efficace n'a été prise, mais plutôt le détricotage de la loi Evin. »
« Dans l’inconnu »
Quelques mois avant le début de la pandémie, la France se situait à la onzième place (derrière les USA ou le Royaume-Uni) du Global Health Security index, qui évalue les capacités de sécurité sanitaire mondiale dans 195 pays et la préparation au risque biologique.
« Effectivement, nous n’étions pas prêts, car nous étions dans l’inconnu », assume aussi Didier Jaffre, directeur de l’offre de soins à l’ARS Île-de-France. Pour anticiper les prochaines pandémies, il faudra apprendre de ses erreurs mais aussi « reconstruire une santé publique de terrain ».
« J’espère que nous saurons capitaliser sur cette expérience mais je n’en suis pas sûre », analyse, prudente, le Pr Crémieux, qui craint la survenue d’une « amnésie de crise ». Pour être paré, « il faudra prendre le risque financier de surdimensionner les stocks et de constituer une réserve de personnel médical formé ». En serons-nous capables ? « Je n’en suis pas certaine, car on se heurtera toujours à l’efficience de notre système de santé, qui reste le maître mot. »
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