« L’AP-HM revient d’une situation fragile. On reste encore très marqué par la période du Covid », a déclaré François Crémieux, le directeur général, à l’ouverture de la conférence de presse sur le bilan annuel 2024 et les perspectives 2025 de l’assistance publique à Marseille, le 30 janvier. « Ces deux années de fort recrutement, en 2023 et surtout en 2024, ont permis de reconstituer les équipes et de rouvrir la quasi-totalité des capacités d’hospitalisation, à l’exception de la psychiatrie, où la situation reste compliquée » (lire ci-dessous), explique le responsable. Chez les paramédicaux, qui ont accusé une vague de départ à la suite de la crise sanitaire, l’effectif d’infirmiers a augmenté de 155 équivalents temps plein (ETP) l’année dernière.
L’arrivée de ces nouvelles recrues, notamment de jeunes à la sortie d’école, représente un défi en matière d’intégration et de formation dans les différents services. « Tout ce redémarrage de l’assistance publique après le Covid nous enthousiasme mais il est chronophage », commente le Pr Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement, pour qui cette période de transition est « incompressible ». Ce dernier a salué la politique de titularisation rapide des médecins hospitaliers : plus de 50 nouvelles en 2024 (plus de 250 depuis 2021), abaissant de dix points la part de contractuels, désormais de 34 %. « Pratiquement toutes les salles d’opération ont rouvert », s’est félicité le chirurgien mais « il ne faut pas grand-chose pour bloquer la machine ».
Moins d’heures supplémentaires
Autres indicateurs positifs, le taux d’absentéisme, de 10,77 %, est en baisse (-0,25 % par rapport à 2023), tout comme le turn-over, de 10,68 % (-0,3 point par rapport à 2023). Le recours aux heures supplémentaires a diminué de 20 % l’année dernière et les pools de remplacements ont été reconstitués à hauteur de plus d’une cinquantaine de postes.
Le Pr Jean-Luc Jouve a partagé son inquiétude sur la situation des urgences de l’hôpital Nord, où les admissions sont en constante augmentation en raison de la désertification médicale. « Ces urgences ont été bâties pour recevoir 135 patients. À présent, elles accueillent quotidiennement 180 patients voire plus de 200 », a-t-il pointé, ajoutant : « La promiscuité des locaux et la tension qui y règne sont propices à ce que la violence s’installe ». En 2024, l’AP-HM a déposé plus de 200 plaintes (contre 89 en 2022). « Nous continuerons cette stratégie extrêmement ferme à déposer plainte de manière systématique sur toutes les atteintes aux personnes avec le professionnel ou sans lui », a déclaré le DG, François Crémieux. « On ne travaille pas à l’hôpital pour s’y faire agresser mais pour soigner, accueillir et prendre soin. »
Le poids de la dette historique
La direction de l’AP-HM a lourdement insisté sur « le poids de la dette historique, constituée entre 2003 et 2015, passant d’environ 200 millions à plus d’un milliard d’euros ». En diminution depuis trois ans, la dette atteint désormais 840 millions d’euros. Le déficit prévisionnel 2024 se stabilise autour de 100 millions d’euros (sur un budget annuel de 1,85 milliard d’euros), accusant le coup du « sous-financement des mesures de revalorisation du Ségur et l’impact de l’inflation en 2023 ». « La dette nous coûte cher et nous empêche de réemprunter et d’investir pour l’avenir au-delà du projet de modernisation », explique François Crémieux. Sans compter l’impact de cette situation dégradée sur la trésorerie et la capacité à payer les fournisseurs dans les délais.
Par conséquent, l’investissement de 850 millions d’euros que représente le projet de modernisation de l’AP-HM, Cap 2030, est très largement financé par l’État et les collectivités territoriales (ville, département, métropole et région). Ceux-ci se sont engagés à hauteur respectivement de 490 millions et de 130 millions d’euros. Ce plan consiste notamment à rénover les deux immeubles de grande hauteur de Nord et Timone et à construire le bâtiment Femmes, Parents et Enfants ainsi que le nouveau Samu, également à Timone, qui sera inauguré cette année. « On est tellement content de voir les grues arriver et des services rénovés apparaître qu’on supporte les nuisances liées au chantier avec une certaine bonne humeur », plaisante le Pr Jouve.
« Il y a trois ans, nous ne savions pas comment financer et mener ces travaux », rappelle le DG, se félicitant de leurs avancées. Cependant, « des enjeux majeurs, tels que la modernisation des pharmacies de l’assistance publique, des chambres mortuaires, des bâtiments aussi indispensables que les crèches ou ceux de la pédopsychiatrie à l’hôpital Salvator, ne font pas partie de ce plan ». Ces projets nécessaires, qui concernent également la cancérologie, représentent un investissement de 250 millions supplémentaires sur la décennie.
La psychiatrie à la peine faute de soignants
« En 2024, on a pu rouvrir une trentaine de lits en psychiatrie, il nous en reste une quarantaine de fermés, surtout pour des problèmes de recrutement », explique François Crémieux, directeur général de l’AP-HM. « Notre objectif est d’ouvrir le maximum de lits de psychiatrie à partir du deuxième semestre avec les sorties d’école de l’été prochain. » Il y a un an, l’AP-HM a ouvert une unité d’une dizaine de lits en pédopsychiatrie à l’hôpital Salvator. « Ce n'est pas suffisant pour le département mais on est passé de 0 à 10 », défend François Crémieux, faisant état de « la situation catastrophique de 2022 et 2023, où des adolescents ont été pris en charge après des tentatives de suicide dans des services de pédiatrie générale avec des difficultés majeures ». Dans l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), qui accueille des patients-détenus avec des pathologies psychiatriques aiguës, il n’y avait plus qu’une vingtaine de lits. « Nous avons ouvert une vingtaine de lits en plus en 2024 et notre objectif est d’ouvrir la troisième unité au deuxième semestre », a précisé le DG.
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