« Pas d’histoire d’argent entre nous. » Cette phrase prononcée en guise de boutade par Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, lors de la conférence inaugurale de Santexpo le 21 mai, est-elle anecdotique ou significative du fossé existant entre les revendications du secteur hospitalier sur le terrain et les responsables politiques, toujours sous l’emprise de l’effet com’ ?
Cesser la « politique de lifting »
La confrontation des deux mondes lors du grand raout du monde hospitalier l’a démontré une fois de plus : chacun semble dans son couloir. Très offensif, Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a appelé à arrêter la « politique de lifting » et à mettre en place « une rénovation de fond en comble ». Insistant beaucoup sur le déficit des hôpitaux et des Ehpad, le maire de Reims a demandé aux pouvoirs publics d’« inventer un nouveau bouclier sanitaire dont le mur porteur est le service public hospitalier ».
La FHF a formulé ses requêtes dans un livre blanc composé de sept chantiers prioritaires. L’enjeu principal pour Arnaud Robinet est de « recentrer les professionnels de santé hospitaliers sur leur cœur de métier ». Étrangement, c’est surtout en ville que la FHF veut faire peser ses réformes. Cela passe par la construction de parcours plus collectifs via la délégation de tâches, par la libération de l’accès direct aux paramédicaux tout en respectant le rôle pivot du médecin traitant, l’accélération, toujours en ville, du déploiement des infirmiers en pratique avancée (IPA).
Pour l’hôpital, le président de la FHF attend notamment une meilleure reconnaissance des compétences des médecins ainsi qu’une anticipation des reconversions professionnelles. « Les présidents de commissions médicales d’établissement doivent être reconnus dans les fonctions qui sont les leurs, à savoir celles de cadres à hautes responsabilités », a-t-il insisté.
Arnaud Robinet a également mis l’accent sur la prévention des risques et des violences. « L’hôpital doit rester un endroit où l’on est content chaque matin d’aller remplir une mission au service de tous », a-t-il insisté. Concourir à l’équilibre vie privée/vie personnelle est un de ces éléments avec la question de parentalité.
Fossé entre la tutelle et le terrain
Catherine Vautrin n’a pas répondu aux demandes financières de la FHF. Preuve du fossé qui sépare la tutelle des établissements de santé, la ministre, gênée aux entournures par la politique de restriction budgétaire menée par Bercy, a préféré rappeler les enveloppes déjà accordées au secteur. Elle a tout de même égrainé une liste de chantiers et de défis auxquels doit se confronter l’hôpital : manque d’attractivité des métiers du soin, perte de sens, enjeu autour de l’intelligence artificielle, évolution jurisprudentielle, offre de santé sur tous les territoires en lien avec les élus et les agences régionales de santé.
Le métier du soin est le deuxième secteur le plus accidentogène après le bâtiment
Catherine Vautrin, ministre de la Santé et du Travail
Son premier grand chantier concerne les métiers du soin et de l’humain. Afin de recruter un million de professionnels d’ici à 2030, le gouvernement compte « valoriser les parcours de carrière dans chaque bassin de vie ». Ce qui passe par des passerelles, la validation des acquis de l’expérience et la formation. Catherine Vautrin a souligné le fait que le deuxième secteur le plus accidentogène après le bâtiment est l’humain et le soin, « où nous sommes moins engagés en termes de prévention ».
Réforme des hospitalo-universitaires, une priorité pour la ministre
La ministre semblait plus à l’aise sur la question des statuts. Elle a pointé la réforme de la retraite de des hospitalo-universitaires, actuellement en discussion, avec pour avancée la préservation du temps universitaire au sein des équipes universitaires ou la mise en place d’un temps partiel pour convenance personnelle, l’assouplissement des conditions de mobilité des PU-PH et la prise en compte de l’ancienneté hospitalière pour les titularisations. D’ici fin 2024, le ministère réfléchit également à l’évolution du statut de chef de clinique, les formations au management et l’universitarisation des territoires.
Au final, c’est sur la permanence des soins que la ministre et Arnaud Robinet sont tombés d’accord : les prises en charge entre ville et hôpital doivent s’articuler au mieux, et vite. Les spécialités qui ont d’ailleurs été valorisées plus fortement dans la campagne tarifaire, comme la pédiatrie, font partie des sources de préoccupation de la ministre. Catherine Vautrin attend aussi des Ehpad qu’ils prennent leur part dans les soins non programmés, « au bénéfice de tiers non-résidents, en particulier dans les territoires les plus affectés par le recul de la démographie médicale ». Sans préciser comment.
Empêcher la grève du privé, le dossier en haut de la pile de Catherine Vautrin
Le sujet sur la grève des cliniques à partir du 3 juin a surgi inopinément mardi 21 mai lors de la déambulation de la ministre Catherine Vautrin, en pleine table ronde sur les revendications de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et des médecins libéraux exerçant en clinique. La ministre a été (fortement) conviée à prendre la parole lors cette session. Catherine Vautrin a indiqué vouloir aboutir rapidement à un résultat dans les négociations que son ministère mène avec les acteurs du secteur privé afin d’éviter cette grève, qui menace la continuité des soins et fait peser un poids certain sur l’hôpital public. Le président de la FHP Lamine Gharbi, toujours remonté contre les 0,3 % de hausse tarifaire pour les cliniques (versus 4,3 % pour le public), a ironisé sur la petite phrase du jour de la ministre : « On ne va pas parler d’argent entre nous ». Les tensions autour de la grève se sont cristallisées par la parution le 19 mai d’une tribune de la FHF dans les colonnes du Monde, indiquant que l’hôpital sera présent pour répondre aux besoins de la population si d’aventure les cliniques mettaient à exécution leur projet de grève. Intitulé de la tribune : « L’avenir de la santé se bâtira en commun, en mettant de côté les querelles stériles ». Souci : le président du groupe coopératif d'établissements privés indépendants SantéCité, Stéphan De Butler d'Ormond, a fait savoir par voie de presse n’avoir jamais donné son accord pour apposer son nom à un tel texte, qualifié de « plaidoyer une nouvelle fois anti-privé et pro-public ». Ambiance.
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