L’encadrement de l’intérim médical va-t-il faire pschitt ? Dans une décision rendue jeudi 28 novembre, et consultée par le Quotidien, le Conseil d'État somme le gouvernement de revoir sous six mois les modalités du plafonnement des tarifs de l’intérim médical dans les hôpitaux, une réforme vivement contestée par le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH).
La plus haute juridiction administrative juge en effet qu’« il incombe au pouvoir réglementaire » de prendre en considération « l'ensemble des dépenses susceptibles » d’être engagées au titre d’une mission de travail temporaire, et ce « en tenant compte tant de la rémunération du praticien et des frais afférents que de la rémunération des services de l'entreprise de travail temporaire ». Or, aujourd’hui, la référence ne porte que sur le seul salaire brut versé.
Autrement dit, « les commissions facturées par les agences d’intérim devront être incluses dans le plafonnement », explique ce vendredi au Quotidien le Dr Éric Reboli, président du SNMRH, sans préjuger de l’issue du processus. « Le gouvernement a maintenant une opportunité à saisir pour améliorer les choses, veut-il croire. Notamment favoriser les contrats de gré à gré qui sont largement plus rentables que ceux négociés par des grosses agences d’intérim comme Adecco pour les hôpitaux ».
Avant même l’encadrement renforcé des rémunérations des praticiens intérimaires en avril 2023, les contrats de gré à gré étaient prisés par les intérimaires qui négociaient avec les établissements leurs tarifs au-delà des plafonds réglementaires. D’après le SNMRH, ce type de contrats était aussi plus avantageux pour les hôpitaux puisqu’ils s’épargnaient des commissions parfois « surfacturées » par les entreprises d’intérim au titre de la mise en relation des praticiens avec l’établissement et de la rédaction des contrats.
Pas de quoi attirer les remplaçants ?
Reste que, à ce stade, la décision du Conseil d’État ne demeure qu’une « très petite victoire », confie le Dr Éric Reboli. À l’origine de sa requête, le SNMRH exigeait l’annulation pure et simple du décret du 24 novembre 2017 ayant mis en vigueur le principe de plafonnement journalier des rémunérations des médecins intérimaires à l’hôpital, en application de la loi Touraine.
De cette façon, cette abrogation aurait annulé par effet domino les autres textes réglementaires parus ultérieurement au Journal officiel, fixant les plafonds des tarifs à 1 390 euros brut (puis 1 410 euros brut) pour la garde de 24 heures, de même que les contrôles par des comptables publics issus de la loi Rist de 2021. Ces mesures de plafonnement avaient provoqué, au printemps 2023, la désertion de nombre de médecins remplaçants, habitués à des tarifs plus élevés. « Avant le plafonnement, je gagnais entre 1 300 et 2 000 euros net pour une garde de 24 heures », se souvient Éric Reboli.
Même si le gouvernement revoit sa copie, les modifications pourraient avoir un effet cosmétique sur le marché de l’intérim. « Les médecins remplaçants ont quasiment abandonné l’hôpital public depuis vingt mois », affirme le président du SNMRH. « Beaucoup sont partis à la retraite, d’autres sont allés à l’étranger ou travaillent désormais dans les cliniques », affirme-t-il.
En attendant, certains établissements publics contournent la loi Rist en négociant des contrats de « motif 2 » qui accordent une rémunération dérogatoire supérieure aux médecins intérimaires. Ce dispositif est dans le viseur de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), dont la directrice, Marie Daudé, entend réguler les recours abusifs.
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