Vincent Prévoteau, président de l'Association des directeurs d'hôpital

« On ne dirige pas un hôpital sans les médecins »

Par
Publié le 14/03/2019
Article réservé aux abonnés
Prevoteau

Prevoteau
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Vous allez piloter l'ADH pendant quatre ans. Quelles sont vos priorités ?

VINCENT PRÉVOTEAU : Nous sommes engagés dans le développement des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et des stratégies de groupe public/public. Notre vision de la territorialisation hospitalière est pragmatique, sans cartographie hospitalière unique. 

Nous focaliser sur l'hôpital public ne veut pas dire nous fermer sur l'environnement extérieur – que ce soit les cliniques, les médecins généralistes et prochainement les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Une fois encore, le pragmatisme doit régir les rapports entre les acteurs d'un même territoire, dans une logique d'optimisation de la qualité et de la sécurité des soins.

Dirige-t-on aujourd'hui un hôpital comme il y a 20 ans ?

Le métier n'a cessé d'évoluer, car l'hôpital est en perpétuel mouvement. La tarification à l'activité (T2A) nous oblige à utiliser des outils de gestion comme les tableaux de bord, très peu développés du temps du budget global. Les établissements publics travaillent en partenariat avec d'autres structures alors qu'ils étaient bien plus fermés par le passé.

En 20 ans, les directeurs ont créé des directions communes, ont fermé des activités pour des questions de sécurité, en ont développé d'autres. Ils se sont adaptés. 

Moi, je dirige le centre hospitalier de Rodez, trois autres établissements – dont deux hôpitaux de proximité – et un EHPAD. J'ai mis en place des directions déléguées, avec des représentants sur site. Les équipes de direction aussi prennent une dimension territoriale, comme les médecins. On ne choisit pas le métier de directeur par hasard. Cela réclame de défendre certaines valeurs et d'avoir une fibre de santé publique. 

Pourtant, certaines méthodes de management sont pointées du doigt…

La majorité des directeurs d'hôpital sont dans l'échange, le dialogue et l'écoute. L'ADH milite pour une gouvernance équilibrée. On ne dirige pas un hôpital sans médecins, mais on ne dirige pas non plus un hôpital sans… directeur d'hôpital. L'hôpital bashing est dévastateur pour l'hôpital public. C'est une pratique nuisible à la réalité hospitalière.  

Les députés ont entamé cette semaine l'examen du projet de loi de santé. Quelle est la position de l'ADH ?

Le projet de loi contient des éléments très positifs pour les GHT, qui sont aujourd'hui au milieu du gué. Le texte permet de faciliter ou de renforcer le fonctionnement hospitalier à l'échelle territoriale.

Pour l'hôpital, la création d'équipes médicales de territoire est cruciale. J'ai la chance de diriger un établissement avec des praticiens qui sont tournés vers le territoire. lls assurent par exemple des consultations avancées en chirurgie ambulatoire à Decazeville [à 45 minutes de voiture, NDLR].

La loi permet également de mutualiser la compétence de gestion des ressources humaines médicales pour améliorer la prise en charge des patients. Sur ce point, les hôpitaux de proximité craignent de perdre une partie de leur autonomie, ce que je comprends. Attention donc à prendre en considération la réalité du terrain. On ne peut pas forcer des équipes médicales à travailler ensemble si elles ne le souhaitent pas. C'est la raison pour laquelle la déclinaison concrète de la territorialisation doit rester à géométrie variable et les acteurs doivent être accompagnés. Nous y veillerons. Nous appelons également à la plus large concertation possible sur le projet de loi et sur le recours aux ordonnances. 

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez Exergue/ On ne choisit pas le métier de directeur par hasard. Cela réclame de défendre certaines valeurs et d'avoir une fibre de santé publique 

Source : Le Quotidien du médecin: 9732