« Urgences surchargées du fait principalement du manque de médecins de ville, manque de plus en plus criant de lits d'aval, personnels paramédicaux et médicaux en sous-effectifs et usés jusqu'à la corde, tensions qui s'accumulent… », Béatrice, médecin urgentiste de 32 ans perd courage. Aurore n'est pas plus optimiste. « Les désillusions se sont succédé au fur et à mesure de mes années d'expérience professionnelle », se désole cette urgentiste et smuriste.
Depuis le début du mois, le Dr Marine Monet et la photojournaliste Marie Magnin publient sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram) une série de portraits intitulée « Mots d'urgentistes », accompagnés de témoignages poignants sur le quotidien des professionnels exerçant dans les services d'urgences de France, dont beaucoup fonctionnent sous tension.
Sentiment d'impuissance
« J'ai le sentiment qu'il faut donner la parole aux professionnels des urgences », précise le Dr Monet, elle-même urgentiste, au « Quotidien ». Avec ce projet, le médecin veut montrer ce qui peut pousser de jeunes urgentistes passionnés à abandonner leur métier. Après avoir connu un bon nombre d'hôpitaux franciliens, celle qui a « toujours très envie de bouger » part régulièrement faire des remplacements en outre-mer. Martinique, Guyane ou encore Mayotte, elle remplace aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie. Partout c'est le même constat : manque de personnel, toujours plus de patients et moins de temps à leur consacrer. « On perd le contrôle du flux et cela dégrade nos conditions de travail », se désole le jeune médecin. Du haut de ses 34 ans, elle se sent impuissante face à l'aggravation de problèmes qui existaient déjà quand elle a commencé. « En 2009, j'avais conscience des difficultés aux urgences, mais cela ne me faisait pas peur. » Quelques années plus tard, elle est bien obligée de reconnaître que « les difficultés ne disparaissent pas avec l'expérience ».
C'est à Mayotte que les deux femmes se sont rencontrées pour la première fois. Marie Magnin a passé un mois sur place à l'occasion d'un reportage sur les urgences au moment où le Dr Monet y travaillait. « J'ai découvert un univers que je ne connaissais pas et qui m'a passionnée », explique la photographe. En rentrant, elle veut donner la parole aux professionnels du secteur. « Avec ce projet, nous voulons montrer ce qu'ils ressentent en tant qu'homme ou femme », précise Marie Magnin. À aucun moment n'est précisé l'établissement dans lequel travaillent les personnes interrogées. Pas plus que leur nom de famille. Car « l'objectif est de pointer des difficultés générales, pas de stigmatiser un hôpital en particulier ».
L'esthétique choisie est très simple : toutes les photos sont prises sur fond neutre. Ni blouse, ni stéthoscope, ni couloir d'hôpital car « l'objectif est de faire ressortir l'humain derrière le professionnel ». Même chose pour le cadrage : le visage des professionnels apparaît en plan très serré. « Cela permet de plonger directement dans le regard de la personne et mettre de côté son métier », justifie la photographe. Si les six premiers portraits étaient consacrés à des médecins, le dernier en date met à l'honneur le témoignage d'une infirmière contrainte d'arrêter. En cause « la peur de devenir maltraitant [qui] s'immisce dans votre esprit ».
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