EN ACCORDANT fin août son premier déplacement après les vacances au SAMU de Paris, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait adressé un signal. La « réorganisation » des urgences en France est l’un des chantiers à venir. Au prétexte d’un coup de chaud caniculaire, la ministre a annoncé aux médecins urgentistes vouloir « engager la réflexion pour mettre en place des mesures (...) à la fois dans les services d’urgence et dans les territoires ». Les propositions d’un groupe de travail sont attendues à la fin de l’année. Selon la promesse de François Hollande, chaque Français devra pouvoir accéder en 30 minutes maximum soins d’urgence.
Mais cette bonne volonté ministérielle affichée ne convainc pas toujours les professionnels de santé, qui redoutent des restrictions budgétaires ou une carte sanitaire imposée d’en haut. Aux universités d’été de la performance en santé, organisées par l’agence nationale d’appui à la performance (ANAP), les professionnels de santé ont donc mis en avant leurs propres idées et initiatives de terrain avec un maître mot : coordination.
L’infirmière pour la brûlure, le kinésithérapeute pour la bronchiolite.
Fossé culturel entre la ville et l’hôpital, prise en charge ambulatoire insuffisamment développée, culture hospitalocentrée : les raisons de l’engorgement des services d’urgences ne manquent pas, selon Victor Rodwin, professeur américain spécialiste en politique de santé invité au congrès de l’ANAP.
La montée en puissance des structures d’exercice regroupé (maisons, pôles de santé), réunissant plusieurs professions libérales, et désormais mieux identifiées dans le paysage sanitaire, devrait permettre de rééquilibrer le recours aux soins urgents en favorisant les équipes de soins libérales. « Je me demande si les maisons de santé ne remplaceront pas un jour la médecine libérale à la française », ose l’intellectuel américain. Quelque 400 bâtiments sont déjà construits et mille projets répertoriés. Le Dr Michel Serin, vice-président de la Fédération française des maisons et pôles de santé, va même plus loin. « On pourrait participer à la régulation libérale en dédiant une salle de chaque maison de santé pluridisciplinaire aux urgences ou le bon professionnel accueillerait le bon patient, détaille-t-il. L’infirmière pour la brûlure, le kinésithérapeute pour la bronchiolite, etc. ».
Autre idée en vogue (développée par le think tank Terra Nova) qui semble faire mouche auprès des médecins : détacher des infirmiers hospitaliers en ambulatoire, afin d’épauler les généralistes en ville. Les infirmiers libéraux pourraient aussi être mis bien à contribution dans le cadre de la permanence des soins. « Là où le SAMU veut envoyer le médecin traitant pour voir s’il faut envoyer le SAMU, on peut envoyer l’infirmier », argumente le Dr Serin.
Nouveaux métiers intermédiaires, réseaux...
« Tout ça, c’est dépassé », proteste le Dr Philippe Alarcon, à la tête des urgences du CH de Maubeuge, pour qui la solution réside dans « la création de corps de métiers intermédiaires ». Une idée dont l’économiste de la santé Jean de Kervasdoué apprécie la qualité comptable. « Les médecins ne manquent pas, mais à bac +10, ils coûtent cher, explique-t-il. Il faut une nouvelle profession à Bac +5, entre le médecin et l’infirmier, qui aurait droit de prescrire ». Jean de Kervasdoué ajoute que pour désengorger l’hôpital et les urgences, « la nature du service médical doit changer ». L’expert estime que le salut viendra des réseaux de santé coordonnés, dont l’assurance-maladie assurerait une partie du financement. « Patients et professionnels choisissent d’en faire partie ou pas, et si c’est le cas, la Sécu et les complémentaires versent au réseau 150 euros par an, soit 5 % du risque que lui coûte chaque patient. En échange, tout le monde accepte d’être soigné et de travailler sous contraintes ».
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