L’expérience du Pr Lantieri

Publié le 16/11/2010
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Crédit photo : S TOUBON

LA SCÈNE aurait pu se dérouler à l’hôpital Henri Mondor, où exerce le Pr Lantieri. Le même bloc opératoire, les mêmes instruments, les mêmes scialytiques. « Je n’ai pas ressenti de différence majeure », raconte le chirurgien parisien, lorsqu’il évoque cette reconstruction réalisée par ses soins à l’hôpital n°2 de Suzhou. C’était en 1999 : les Chinois voulaient tout connaître de la technique du lambeau.

Plusieurs détails ont cependant frappé Laurent Lantieri. L’armée de blouses blanches à ses côtés, chacune porteuse d’un numéro dont le sens lui a échappé. « Il y avait 250 personnes autour de moi pendant cette opération ! Ils n’ont pas de problème d’effectifs. » Le poids de la hiérarchie l’a également surpris. « Le système chinois est très mandarinal. L’initiative vient du chef, celui qui a un doctorat. La plupart des médecins ont fait 3, 5 ou 7 ans d’études : ce sont les petites mains. » Autre source d’étonnement : la relation au patient made in China. « Elle est beaucoup plus directive, relate le Pr Lantieri. La notion de consentement éclairé n’existe pas en Chine. »

Et puis il y a l’argent, omniprésent. Les billets qui passent de main en main à tous les étages. La recherche du profit. « Quand je leur ai parlé des campagnes françaises de dépistage de cancer du sein, les Chinois m’ont demandé si l’on force les femmes à aller voir le médecin, ou si elles y vont d’elles-mêmes. En Chine, la santé est un business. Les hôpitaux veulent capter des patients dans un seul but, gagner plus d’argent. » En 1999, les clips autostatiques n’étaient pas utilisés : le Pr Lantieri a fait sa ligature à l’ancienne. « Les choses ont peut-être évolué depuis. Si les Chinois s’aperçoivent qu’une ligature automatique leur permet de gagner plus d’argent, je suis sûr qu’ils vont copier la technique. »

Le Pr Lantieri continue de prodiguer ses conseils en Chine. Le voici de retour de Nanning. Là aussi, des blocs au top du top, avec écrans plats et matériel dernier cri. En comparaison, les blocs d’Henri Mondor font grise mine. Les médecins chinois pratiquent une médecine moderne, occidentale. « Mes publications et mes références ne les intéressent pas. Tout ce qui les intéresse, c’est le savoir faire. » Et ce malaise, en guise de conclusion : « Derrière le savoir faire médical français, il y a des siècles d’efforts. On ne peut lâcher cela brutalement sans contrepartie. Il faudrait un contrat officiel assurant aux industriels français des retombées en Chine. »

 D. CH.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8856