DEVANT la dégradation financière « sans précédent » du régime général de la Sécurité sociale (10,2 milliards d’euros en 2008, 20,3 milliards en 2009 et 30 milliards redoutés cette année), c’est peu dire que la Cour des comptes avait de solides raisons de s’alarmer à l’heure de la présentation de son volumineux rapport annuel sur la Sécu (500 pages). Comme son prédécesseur Philippe Séguin, le premier président de la Cour, Didier Migaud, a rappelé avec gravité « l’impératif de l’équilibre » et l’ampleur des efforts à accomplir rapidement par le biais de « mesures très fortes » sur les dépenses mais aussi via une « majoration des recettes inévitable » car la croissance « ne suffira pas ».
Dans son opus 2010, la Cour pointe divers dysfonctionnements dans l’utilisation des deniers publics. Les cibles sont diverses.
• ONDAM : un outil qui n’a jamais fait ses preuves
Créé en 1996, l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) n’est toujours pas un marqueur fiable de maîtrise de la dépense de santé. La Cour relève les « faiblesses » de ce mécanisme
« non exhaustif, mal piloté en cours d’année, difficilement révisable » et toujours dépassé (sauf en 1997), y compris en 2009 (malgré les affirmations répétées des ministres concernés que l’objectif serait tenu). La juridiction financière stigmatise la forte augmentation des dépenses de soins infirmiers (+ 8,9 %), les prises en charge de cotisations sociales des professionnels de santé (+ 8,9 %) et les frais de transport (+ 8 %).
• Niches sociales : 15 milliards à trouver
Depuis deux ans, les magistrats de la rue Cambon formulent des recommandations visant à évaluer et à réduire les niches sociales (terme flou qui caractérise l’ensemble des exonérations, réductions et autres abattements de cotisations sociales…). La Cour a recensé exactement 178 niches sociales pour un coût minimum de 67 milliards d’euros (22 % des recettes de la Sécu). Même si elle reconnaît quelques efforts, la Cour n’y va pas par quatre chemins puisqu’elle recommande 15 milliards d’euros d’économies : limitation des exonérations de cotisations sur les bas salaires, augmentation du forfait social, augmentation du taux de CSG appliqués aux retraités, mesures complémentaires sur les retraites chapeaux…
• Gestion des caisses : peut mieux faire
Les « sages » n’épargnent pas la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). Même s’il remplit sa mission, son système d’information qui gère 50 millions d’assurés « manque d’efficience et de flexibilité ». La caisse « n’a pas adopté de stratégie informatique globale et centralisée et laisse perdurer des doublons dans les moyens humains (...)». Les équipes informatiques sont trop dispersées (3 400 informaticiens sur 150 sites) et certaines applications sont « inadaptées » aux besoins des assurés et des professionnels.
Autre anomalie : l’absentéisme maladie « élevé » dans les organismes de Sécurité sociale (5 %). Le rapport s’interroge sur le poids « atypique » des troubles dépressifs et suggère de moduler l’intéressement individuel… en fonction de la présence réelle des agents.
La Cour épingle au passage l’organisation « complexe et coûteuse » de la protection sociale dans les industries électriques et gazières (IEG) qui concerne plus de 500 000 assurés.
• Hôpitaux publics : le poids des déficits
Sur la foi des contrôles effectués dans 85 hôpitaux, la juridication financière déplore « l’importance et la concentration des déficits », de l’ordre de 700 millions d’euros, etleur « sous-estimation ». Plusieurs facteurs sont invoqués : les difficultés d’adaptation à la réforme du financement, le passage à la tarification à l’activité (T2A) qui a révélé des « performances variables » mais aussi une politique d’investissement hasardeuse qui « a encouragé des dépenses dont le financement par endettement pèsera longtemps sur les hôpitaux », note le rapport. La Cour recommande de mettre un terme aux pratiques de reports de charges. Last but not least, la dette de certains hôpitaux comprend parfois une part importante d’emprunts à risques, comme à Arras.
• Imagerie médicale : haro sur les tarifs
La gestion des équipements lourds (905 scanners, 523 IRM, TEP…) est visée. L’implantation (soumis à autorisation) de ces appareils n’est pas optimale avec des écarts d’utilisation variant du simple au triple, des délais d’attente qui perdurent et « aucune évaluation qualitative de la politique d’équipement en imagerie ». Dans les services d’urgence,l’accès à l’IRM (qui seul permet d’établir la nature d’un AVC) est très limité. Surtout, la Cour s’attaque aux tarifs « trop élevés » (forfaits et honoraires)des examens, conduisant à des « rentes indues ». La Cour suggère d’appliquer des forfaits techniques « qui correspondent aux coûts d’investissement et de fonctionnement des appareils » et d’ajuster les honoraires par acte en fonction du volume de travail.
• Secteur dentaire : nomenclature obsolète, renoncement aux soins
Le rapport est sévère. Il accuse les pouvoirs publics de ne pas accorder une « réelle priorité » aux soins dentaires. Désengagement financier de l’assurance-maladie (qui rembourse 34 % des 9 milliards d’euros de dépenses dentaires et 18 % des soins prothétiques), opacité tarifaire, phénomène de rente induit par le développement de prothèses importées, actes hors nomenclature… La Cour propose de développer la prévention dans les établissements scolaires, d’accroître la transparence et et la concurrence et de contenir les dépassements. Comment ? En permettant aux mutuelles de discriminer leur taux de remboursement selon que les praticiens adhèrent ou pas à un réseau qui respecte les tarifs conventionnels.
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