Après trois années à la tête de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Mireille Faugère a été débarquée sans ménagement. Peut-être incarnait-elle trop l’hôpital-entreprise de Nicolas Sarkozy, mais c’est d’abord pour sa gestion de l’Hôtel-Dieu que l’ancienne numéro deux de la SNCF est remerciée. L’exécutif ne l’a pas aidée à s’extraire du guêpier. La communauté hospitalière se montre divisée et cherche un cap.
AUX MANETTES de l’AP-HP pendant trois ans, Mireille Faugère a trébuché sur l’Hôtel-Dieu. C’est la méthode, plus que le fond de son projet, qui la pousse vers la sortie. Ses relations difficiles et sa gouvernance autoritaire seraient en cause. Le cabinet de Marisol Touraine lui a signifié sa mise à pied le 4 novembre, le jour qu’elle avait choisi pour fermer les urgences de l’Hôtel-Dieu. Le Conseil des ministres devrait entériner demain son remplacement par Martin Hirsch. Dans cinq mois, les Parisiens iront aux urnes. D’ici là, droite et gauche vont continuer de s’empoigner sur le dossier, comme en témoignent les deux entretiens ci-dessous.
Décision brutale, selon la FHF.
Les opposants au projet de nouvel Hôtel-Dieu ont crié victoire. Martin Hirsch n’est pas encore dans la maison que déjà s’accumulent les demandes de rendez-vous. La CGT exige l’abandon de la politique « d’austérité » de l’AP-HP, FO demande l’arrêt immédiat de toutes les restructurations en cours.
Figer l’AP-HP serait la pire des solutions, s’inquiète au contraire la Fédération hospitalière de France (FHF). Son président, Frédéric Valletoux, vole au secours de Mireille Faugère. Il dénonce une décision « brutale », de nature à « déstabiliser » le premier CHU de France. « Le gouvernement a soutenu la modernisation de l’AP-HP depuis mai 2012, s’étonne-t-il. François Hollande lui-même n’a pas émis de critique, cet été, en visitant Necker ».
Le malaise est également palpable du côté des directeurs généraux de CHU. « Mireille Faugère a été écartelée par des injonctions paradoxales, observe l’un d’eux. Elle paye les pots cassés d’une gestion politique aventureuse et contradictoire du dossier Hôtel-Dieu ». Trois années à la tête de l’AP-HP, un poste exposé avec la proximité du pouvoir, c’est déjà beaucoup. Cet autre patron de CHU n’en disconvient pas. « L’irruption du politique est légitime, dit-il, mais elle a ses limites. Notre pouvoir a été renforcé, or dès qu’une décision locale ne plaît pas, le personnel débarque à l’ARS ou au ministère ». Le corps des directeurs d’hôpital ne se sent pas assez soutenu par les tutelles, a récemment déploré le SMPS (syndicat des managers). Ce dernier rebondissement ne devrait guère faciliter le retour de la confiance.
Cafouillages à tous les étages.
Trois acteurs sont sévèrement critiqués pour leur gestion brouillonne du dossier Hôtel-Dieu. Marisol Touraine d’abord, pour avoir semé le trouble cet été, en annonçant le report de la fermeture des urgences - une déclaration qui sonnait comme un premier désaveu pour Mireille Faugère. La majorité municipale ensuite, qui n’est jamais parvenue à accorder ses violons (Bertrand Delanoë ne veut pas renoncer aux urgences en face de Notre-Dame, à l’inverse du député PS de Paris, Jean-Marie Le Guen, favorable à leur substitution par des consultations). L’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France enfin, accusée d’avoir joué la girouette. Après avoir parié sur les consultations 24H/24, l’ARS a décidé de maintenir son autorisation au SAU de l’Hôtel-Dieu. L’annonce est tombée le 4 novembre, le jour où Faugère a appris son débarquement.
L’avenir du plus vieil hôpital de Paris est au cœur d’une bataille médicale et politique depuis près de quatre ans. Pour beaucoup, le fusible a sauté, retour à la case départ. Quid de la suite ? La communauté médicale de l’AP-HP s’accorde sur un point : le statu quo est impossible. L’urgentiste Gérald Kierzek, fer de lance de l’opposition médicale au projet de nouvel Hôtel-Dieu, le concède. « L’Hôtel-Dieu a été tellement asphyxié que ce n’est plus un hôpital. Dire qu’il y reste des urgences, c’est mentir. Si l’ARS maintient l’autorisation du service, alors il faut rapatrier lits, médecins, pompiers, internes ».
Les médecins attendent davantage d’écoute.
La Commission médicale d’établissement (CME) de l’AP-HP avait voté la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu. Son président, le Pr Loïc Capron, fronce le sourcil à l’idée de devoir remettre l’ouvrage sur le métier. « Le dossier avançait », soupire-t-il. L’histoire entre le corps médical et l’ancienne cadre de la SNCF avait pourtant mal débuté. « Mireille Faugère a vite mis au placard son slogan "Faire préférer l’AP-HP", se remémore le Pr Bernard Granger, psychiatre à Cochin. Il faudra que Martin Hirsch comprenne qu’on n’est pas une entreprise commerciale ».
Sous Mireille Faugère, l’AP-HP a réduit son déficit de 30 %. Le Pr Thierry Bégué, membre de la CME et chef de service à Béclère, reproche à l’ancienne directrice d’avoir privilégié les finances au détriment de l’écoute. « L’Hôtel-Dieu est la partie émergée de l’iceberg. La réorganisation de Trousseau avait aussi posé problème. À Saint-Louis, le chef des urgences avait démissionné car il ne se sentait pas entendu. Des doublons sont supprimés à marche forcée », énumère l’orthopédiste. L’épisode des patients étrangers VIP a également laissé des traces.
C’est dans ce contexte de très forte attente que Martin Hirsch, 49 ans, le père du RSA, symbole de l’ouverture à gauche voulue par Sarkozy, prend les rênes de l’AP-HP. Il récupère l’épine de l’Hôtel-Dieu. À charge pour cet énarque de mener à bon port l’énorme paquebot des hôpitaux parisiens.
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?