INSTALLÉE depuis 2007 dans de nouveaux locaux et adossée à l’hôpital Trousseau, la maternité des Bluets voit son activité augmenter chaque année. En 5 ans, le nombre des naissances a progressé de 50 % pour atteindre près de 3 000 naissances en 2011. L’évolution est telle que le personnel redoute de travailler dans une usine à bébés, loin de l’état d’esprit qui a guidé les Bluets depuis leur création. Pourtant cet établissement de santé privé et d’intérêt collectif (ESPIC) (secteur privé non-lucratif), créé en 1947, est dans le rouge. « La maternité est en déficit structurel », explique Virginie Gossez, sage-femme et vice-présidente de l’association « Touche pas aux Bluets » (*). Montant du déficit : 1,2 million d’euros en 2011. Daniel Goufferade, président de l’association de loi de 1901 Ambroise Croizat qui gère les Bluets, pointe les logiques incompatibles entre les pouvoirs publics et la maternité. « Nous refusons les dogmes économiques qu’on nous impose », souligne-t-il.
Avec environ 3 000 accouchements, 900 IVG et 1 000 procréations médicales assistées par an, la maternité fonctionne à flux tendus. Et elle s’apprête à absorber une partie des naissances et des IVG de la maternité Saint-Antoine, fermée début 2012. « Nous voulons continuer à accompagner les femmes, dans la naissance, comme dans l’IVG », martèle Virginie Gossez, convaincue que la course à l’activité ressurgit sur la qualité des soins.
Face à la logique comptable
Si l’activité est au beau fixe, elle reste selon le personnel incompatible avec la tarification à l’activité (T2A), marqueur de rentabilité. Une césarienne programmée rapporte plus qu’un accouchement physiologique ! L’établissement se distingue par son label « hôpital ami des bébés », obtenu en 2008. Ainsi, la maternité assure un soutien à l’allaitement au sein et le respect du rythme physiologique des bébés. Un accompagnement qui demande du temps… et ne rapporte pas d’argent. Pas plus que le suivi spécialisé des femmes vulnérables, en détresse psychique ou sociale.
Pour illustrer l’état d’esprit des Bluets, Cédric Klapisch a réalisé un court-métrage qui montre les inquiétudes du personnel de la maternité : toujours moins de temps pour les patientes, et plus d’épuisement pour les soignants. Bien sûr, la T2A n’explique pas tout. Mais au cours de cette soirée, elle fut la grande accusée. Tous, gynécologues, anesthésistes, sages-femmes partent en guerre contre la logique comptable. Marie-Laure Brival, gynécologue, chef de service des Lilas, ne mâche pas ses mots : « La T2A asphyxie les maternités. L’approche productiviste de la naissance participe à l’effondrement des grandes valeurs de la démocratie ». Évelyne Petroff, gynécologue aux Bluets, enchérit : « La T2A a cassé la chaîne du soin. Tous les services publics se plaignent de la financiarisation ».
Malgré plusieurs plans de périnatalité successifs, les indicateurs français restent décevants. En février 2012, la Cour des comptes a rendu un rapport alarmant sur la politique de périnatalité tricolore au titre évocateur : « l’urgence d’une remobilisation ».
* Pour en savoir plus : http://www.touchepasauxbluets.fr
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