L’INSTITUT Gustave Roussy (IGR), premier centre de lutte contre le cancer en Europe avec ses 46 000 patients suivis, est l’un des premiers établissements sanitaires français à s’être tourné vers la collecte de fonds publics et privés.
L’IGR organise des événements caritatifs, développe le parrainage de chercheurs. En quelques années, c’est devenu une source de financement majeure. Les dons et legs lui ont rapporté 500 000 euros en 2003, et 12,7 millions d’euros en 2010 (soit 4,6 % du budget global de l’IGR). Le don moyen est de 85 euros.
Les millions récupérés financent la recherche fondamentale (bourses, frais de séquençage, achat de réactifs...), l’intervention de clowns auprès des enfants, mais aussi - et surtout - le matériel innovant (renouvellement du mammographe numérique, mise à niveau de la salle d’angiographie numérisée ou encore achat d’un Novalis Tx, accélérateur permettant une action de très haute précision, d’un coût de 4 millions d’euros... il n’en existe que deux autres en France). La médecine personnalisée en cancérologie est extrêmement coûteuse : son financement passera par le « ciblage » de riches mécènes tels Natixis, qui a déjà versé 1,5 million d’euros, expose Charles Guépratte, le directeur général adjoint de l’IGR.
Le mécénat dans l’air du temps.
Du côté des hôpitaux publics, la démarche n’est pas si aboutie. L’on assiste à quelques initiatives isolées. Le CHU de Dijon, en 2008, a lancé un appel aux dons publics et privés pour l’achat d’un robot chirurgical Da Vinci. Les Bourguignons ont répondu nombreux à l’appel : 1 500 personnes ont versé 100 000 euros, venus compléter les sommes levées dans le cadre d’événements artistiques locaux.
Signe que le sujet est dans l’air du temps, les journées de la communication hospitalière, qui se tiendront à Paris les 27 et 28 mars, consacreront un atelier au développement des actions de mécénat à l’hôpital. Louise Giroux sera l’intervenante. Cette Québécoise dirige Philanthropia Optimus, une société qui organise des campagnes de collecte auprès du grand public et des mécènes. Au Canada, le concept marche fort. L’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, a levé...200 millions de dollars lors de sa dernière campagne.
En France, le sujet émerge. Les universités s’y sont mises, puis les musées, et à présent les hôpitaux. « J’ai cinq ou six clients dans le secteur hospitalier, raconte Louise Giroux. Le CHU de Rennes va lancer une campagne. L’institut du cerveau et de la moelle épinière a déjà récupéré 50 millions d’euros grâce à de grands donateurs tels que la RATP, Safran, l’Oréal, le groupe Michaël Schumacher, Jean Todt, la banque Rothschild. L’argent sert à l’achat d’équipements de très haute qualité que l’État ne peut payer ».
Autonomie.
N’y a-t-il pas un frein culturel en France ? Une peur du désengagement de l’État ? « Le mécénat se développe très bien en France, constate la directrice de Philanthropia. L’État est omniprésent dans les services de santé, mais il y a une limite à cela. Les institutions doivent faire preuve d’une certaine autonomie comme le font les universités. Les hôpitaux sont freinés par la mise de départ. S’ils ne sautent pas le pas, d’autres le feront ».
Alain Hériaud, le directeur général du CHU de Bordeaux, et président de la Conférence des directeurs généraux de CHU, est convaincu qu’il s’agit là d’une voie d’avenir. « Dire "on ne va pas faire la quête" est une mauvaise réponse à une vraie question, analyse-t-il. Il ne s’agit pas d’acheter une ambulance, et encore moins de payer les salaires, mais financer l’innovation par les dons et legs ne me choque pas. Il va falloir faire évoluer les mentalités ». Un projet de décret découlant de la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) est en cours de concertation, qui vise à faciliter la mise en place des fondations à l’hôpital public.
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