« CELA FAIT PLUS DE 20 ANS que les professionnels de l’imagerie dénoncent la pénurie d’IRM dans notre pays. Et malgré nos cris d’alarme répétés, le retard de la France, dans ce domaine, est toujours aussi préoccupant. Aujourd’hui, on n’arrive plus à comprendre pourquoi les choses avancent aussi lentement », a expliqué le Pr Alain Rahmouni, CHU Henri Mondor, Créteil, président du Syndicat des radiologues hospitaliers (SRH).
La dernière enquête de l’association Imagerie Santé Avenir (ISA), rendue publique en mai dernier, confirme ce constat. Au terme de ce travail mené auprès de 522 structures disposant d’un équipement IRM en France, l’association note que le délai d’attente moyen, avant d’accéder à cet examen, est de 32,2 jours au niveau national contre 36,4 jours en 2010. « La situation sur le plan des délais d’obtention des rendez-vous IRM reste stable depuis de nombreuses années. Elle se situe à un niveau qui correspond à près de deux fois l’objectif du Plan cancer précédent 2003-2007 (délai espéré de 15 jours) », souligne ISA.
Pour tenter de rattraper ce retard, le Conseil professionnel de la Radiologie (G4) a rencontré en avril les responsables de l’assurance-maladie. Conscient « des difficultés économiques » actuelles, le G4 a alors proposé le déploiement d’IRM supplémentaires à visée ostéoarticulaire « moins chères à l’achat et bénéficiant donc de tarifs adaptés », adossées aux IRM polyvalentes actuelles. « Aujourd’hui, la technologie évolue et on constate une forte demande pour les IRM à visée ostéoarticulaire : aussi bien les IRM des extrémités, depuis la main jusqu’aux genoux ou aux hanches, que celles du rachis. L’idée de notre proposition était de permettre l’installation d’IRM à visée ostéoarticulaire, en complément d’IRM polyvalentes. L’objectif était de diminuer le coût d’acquisition du matériel et de permettre à des équipes, ayant déjà une IRM polyvalente, d’obtenir une autorisation supplémentaire pour ces IRM permettant ainsi de favoriser l’accès des patients devant bénéficier d’une IRM cardiaque, cérébrale, hépatique, pelvienne, mammaire, etc.. sur l’IRM polyvalente », explique le Pr Rahmouni.
Mais en mai, le Conseil professionnel de la radiologie a pris connaissance avec « stupéfaction » d’une instruction CNAMTS-DGOS adressée aux directeurs des Agences régionales de santé (ARS). « Dans beaucoup de régions, notre proposition a été déclinée d’une tout autre façon, via cette circulaire aux ARS. L’objectif est devenu de remplacer les IRM polyvalentes par ces IRM à visées ostéoarticulaires sous le prétexte qu’elles coûteraient moins cher. C’est inadmissible pour les patients qui nécessitent une IRM pour une autre pathologie qu’ostéoarticulaire (AVC, cancer, etc.…). Notre stratégie, en effet, visait à permettre un regroupement et une optimisation des moyens et des ressources humaines pour faciliter l’accès à une IRM à visée ostéoarticulaire de qualité, tout en libérant un accès machine pour les IRM cérébrales, cardiaques, mammaires, abdominales ou pelviennes, etc. qui rendent tant de services aux patients », explique le Pr Rahmouni.
Dans un communiqué, le G4 a dénoncé une « approche purement comptable » et technocratique alors que la France « reste notoirement sous-équipée en IRM ». « Ce détournement de nos propositions est inadmissible pour les patients et de plus incohérent : en continuant de rationner ainsi le nombre d’IRM, la DGOS et la CNAMTS prennent la lourde responsabilité d’empêcher l’application par les médecins du guide de bon usage des examens », souligne le G4.
Les professionnels de la radiologie ont aussi accueilli avec attention la communication, cet été, de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), inquiète de l’augmentation des doses de rayonnements ionisants délivrés par l’imagerie médicale. « Cette communication doit être l’occasion de rappeler une nouvelle fois le retard inacceptable pris par la France pour développer les équipements d’imagerie non ionisants, c’est-à-dire les IRM. Le nombre d’IRM est en France de 8,7 appareils par million d’habitants pour une moyenne européenne de 20 ! Si on veut se mobiliser pour limiter les doses délivrées aux patients, il nous faut davantage d’IRM pour éviter, à chaque fois que cela se justifie médicalement, que les patients aient des scanners », indique le Pr Rahmouni, en appelant de ses vœux la mise en place d’un grand plan IRM, incluant la question cruciale des niveaux d’investissement en équipement des établissements de santé qui doivent préserver coûte que coûte le renouvellement et les acquisitions adaptées de matériel d’imagerie. « Les progrès de l’IRM sont tels qu’il est évident que, dans les années à venir, cet équipement va jouer un rôle de plus en plus important. Et il est crucial que la France soit à la hauteur de ce défi », indique le Pr Rahmouni.
*D’après un entretien avec le Pr Alain Rahmouni, responsable du service d’imagerie médicale du CHU Henri Mondor, Créteil, président du Syndicat des radiologues hospitaliers.
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