Tandis que le bore out côtoie le burn-out dans les colonnes des magazines, les médecins hospitaliers n'échappent pas au phénomène de dégradation des conditions de travail.
Enclins à la culture du renoncement à soi-même, souvent isolés entre pairs ou au bloc, ils connaissent eux aussi le stress, le harcèlement, les conflits personnels, les insultes ou les menaces. Autant de situations à risque qui peuvent les amener sur la route de l'épuisement professionnel, des addictions voire au suicide.
Si la prévention et le traitement des risques psychosociaux à l'hôpital ne sont pas chose nouvelle, le décès du Pr Jean-Louis Mégnien, survenu le 17 décembre à l'Hôpital européen Georges-Pompidou (Assistance publique – hôpitaux de Paris) a contribué à réduire la focale sur les conditions de travail des 58 000 médecins hospitaliers, dont 43 000 PH.
Saisie par Marisol Touraine mi-février, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) doit rendre prochainement ses préconisations. À la recherche de moyens pour redonner de l'attractivité aux carrières médicales, le ministère élabore aussi un plan d'action national ad hoc. Les problématiques liées « au management, à l'expression et à la régulation sociale » des praticiens en exercice y tiendront bonne place.
Le plan « maison » de l'AP-HP
Concernée au premier chef, l'AP-HP a concocté une recette « maison » pour traiter les situations conflictuelles dans ses 39 établissements (« Le Quotidien » du 12 mai). Voté à l'unanimité par la CME centrale, ce plan concentre des mesures de bon sens (réactiver la médecine du travail) ou administratives (hiérarchiser le suivi du PH, créer un vivier de conseillers). Il a aussi le mérite de proposer une rénovation conséquente de la procédure de nomination des chefs, source de bien des conflits (voir ci-dessous).
Les tutelles régionales se creusent aussi les méninges. L'agence régionale de santé (ARS) francilienne va ouvrir à la rentrée 2016 une nouvelle commission sur le suivi des risques psychosociaux. Sur ce modèle, l'ARS Bretagne et Rhône-Alpes ont épaulé une dizaine de praticiens l'an passé.
On assiste également à une prise de conscience des managers d'établissements. Le CHU de Saint-Étienne a créé sa propre cellule de médiation. À Montpellier, la commission sur les événements indésirables associés aux soins (ouverte à la suite du suicide d'un jeune anesthésiste du CHU ayant commis une erreur médicale) a suivi en 2015 une trentaine de praticiens et internes, dont les deux tiers en demande de réorientation.
Initiatives éparses
Dans ce grand moment de lucidité collectif, les syndicats de médecins ne sont pas en reste. Mobilisé de longue date, le collège français des anesthésistes-réanimateurs (CFAR) va ouvrir ses tests de « check-up » en ligne (pour identifier un éventuel burn-out) à tous les PH. Depuis 2010, 150 praticiens se sont saisis de l'outil. Au début de l'année, Convergence HP a lancé un appel à témoignage aux médecins en souffrance. Une vingtaine y a répondu.
Toutes ces initiatives suffiront-elles à apaiser l'angoisse, bien réelle, des praticiens ? À prévenir les conflits, que peu de praticiens osent encore rendre publics ? La réalité est toujours difficilement quantifiable. Combien de fuites se cachent derrière les 1 000 mutations enregistrées chaque année par le Centre national de gestion (CNG) ? En 2015, 139 PH ont en tout cas bénéficié d'un accompagnement spécifique dans le cadre d'une demande de mobilité. Favoriser les transferts entre hôpitaux, comme le souhaite l'AP-HP, serait-il la solution miracle ? Ou cela maintiendra-t-il le statu quo ?
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?