« Nous sommes des gestionnaires d'injonctions paradoxales ». Cette formule de David Gruson a fait mouche auprès des 400 cadres hospitaliers réunis à Paris pour leurs rencontres annuelles. Le délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF) a ainsi résumé le quotidien des managers (administratifs, soignants, médicotechniques, socio-éducatifs, logistiques) des hôpitaux, qui ménagent tant bien que mal la chèvre budgétaire et le chou médical.
Alors que la réforme des groupements hospitaliers de territoire (GHT) se précise dans un contexte financier contraint (trois milliards d'euros d'économies à l'hôpital d'ici à 2017), les cadres ont témoigné de la pression croissante qui pèse sur leurs épaules et de leurs difficultés à trouver la ligne de crête entre qualité des soins et économies.
Catharsis
Les tables rondes organisées par la FHF se sont parfois transformées en déversoirs cathartiques.
La dégradation des conditions de travail est une difficulté récurrente. Cadre de santé depuis 20 ans, Blandine travaille au service de réanimation du centre hospitalier de Laval (Mayenne). Elle a vu son travail se « dégrader » à la vitesse grand V. « On nous demande plus avec moins de personnel tout en allant plus vite », résume-t-elle avec l'assentiment de la salle.
La baisse des effectifs dans certains services contribue au malaise. Pénélope, dix ans d'expérience, retrace un parcours émaillé de restructurations multiples. Sur quatre cadres gérant les 150 lits d'un EHPAD de la région lyonnaise, elle s'est retrouvée la seule « survivante », se souvient-elle. Puis, ce fut une autre maison de retraite de 80 lits. « Ça aurait pu aller mais il n'y avait pas de directeur. Je me suis retrouvée à gérer la cuisine et la maintenance, l'électricité, le gaz ! »
Gérer l'absentéisme
Dans un environnement sous pression, la détérioration des relations humaines est un autre constat. À l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), la récente expertise (commandée par les syndicats) sur l'organisation du temps de travail des 5 200 cadres du CHU a jeté une lumière crue sur « l'absence de respect » des praticiens hospitaliers à leur égard. Ainsi, les cadres franciliens « souhaiteraient moins de mépris de la part des médecins qui n'arrivent pas à l'heure aux réunions de service », lit-on.
En charge des plannings, les cadres doivent aussi gérer l'absentéisme des salariés non médicaux. Le rapport de l'AP-HP évoque à cet égard leur « grande impuissance » à assumer le « rôle de contrôle » des personnels, notamment face au « manque de soutien de la part de leur direction dans la régulation des absences ».
« Les nouvelles générations d'agents partent et reviennent un peu quand ils veulent. Difficile d'avoir de la visibilité sur leur disponibilité », raconte avec amertume Françoise, cadre en neurochirurgie au CHU de Bordeaux. Juste avant de venir à Paris, Magali a dû « faire tourner » la moitié de son service de rééducation du CHU de Nîmes. Un casse-tête nullement récompensé car il fait partie de ces nombreuses activités « invisibles » qui caractérisent le métier de cadre de santé. « Nous sommes isolés, en mal de reconnaissance. À l'hôpital, le cadre n'est plus grand-chose aujourd'hui ».
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