« CERTAINES JOURNÉES ou nuits, on a été dans l’impossibilité de trouver dans notre unité des draps pour accueillir des patients ». Ce témoignage radiophonique d’un médecin (anonyme) d’un hôpital parisien n’a pas manqué de susciter l’émotion. D’autant qu’il est corroboré par le récit d’une mère, venue accompagner sa fille dans une unité pour adolescents à la Pitié-Salpêtrière : « L’aide soignante m’a dit, Madame, il faudra amener un duvet ou une couverture, il n’y en a plus. C’était pour le personnel une situation qui avait l’air habituelle » poursuivait-elle à l’antenne la semaine dernière.
Tensions.
Des patients qui devraient amener leur literie ? « Non, on n’a jamais vu ça ! On met des draps à usages uniques quand il n’y a plus de draps en coton certains week-ends, mais les malades n’apportent pas leurs draps », rétablit Marie-Christine Fararik, secrétaire générale du syndicat Sud Santé à l’AP-HP.
Néanmoins le malaise existe et le service central de blanchisserie (SCB) ne le nie pas. « Il n’y a pas de pénurie générale, mais des tensions locales » reconnaît le directeur général du SCB, Jean-Charles Grupeli. « Nous distribuons 750 000 draps chaque mois pour l’ensemble des hôpitaux de l’AP-HP 5 jours sur 7 et nous avons mis en place un système de vigilance depuis 2 ans », poursuit-il. Les financements ont été revus à la hausse : « Nous avons augmenté de 25 % nos investissements en literie l’an dernier (jusqu’à 910 000 euros) et nous avons déjà injecté 232 000 euros ces deux premiers mois, pour 165 000 nouvelles pièces ».
Dans les services de lingerie de l’AP-HP, les ressentis sont partagés. À Émile-Roux, « nous n’avons jamais de problèmes majeurs », affirme un responsable. « En cas de soucis techniques avec les machines de la blanchisserie centrale ou les transporteurs - ce qui est très rare - nous avons un plan blanc, une quantité de draps permettant de compenser un manque ». Par mesure de précaution, la lingerie demande une dizaine de draps supplémentaires par commande ; et si le surplus devient trop important, elle demande au SCB de réduire sa livraison. « Sur 903 patients, une seule famille s’est plainte d’un manque de couvre-lit », confirme le service clientèle d’Émile Roux. À l’hôpital européen Georges Pompidou, on est aussi satisfait. « Le SCB nous fournit suffisamment de draps, ça ne sert à rien de stocker du linge, ça coûte cher ».
D’autres établissements de l’AP-HP tiennent un discours moins favorable. Dans un gros hôpital parisien, on déplore une différence de 8 % entre les draps qui partent au lavage au service central et ceux qui en reviennent. Les services médicaux sont donc obligés de se débrouiller : « ils font durer les draps ». « On demande 1 300 draps pour un week-end : on en reçoit 1 100, parfois 900 ». La pénurie se ressentirait dès le dimanche matin. Un hôpital du Nord de la capitale est contraint de faire « avec ce qu’on nous donne ». « Parfois les blocs ou les urgences se plaignent », signale-t-on. « On est livré à 60, 80 %, on reçoit 2 000 draps alors qu’on en demande 2 700 ». Un troisième établissement de banlieue, qui joue le jeu du flux tendu et veille à ce que le linge ne dorme pas, regrette cependant d’être moins livré lorsque la quantité de linge sale retourné est inférieure à celle livrée.
Évaporation.
La disparition des draps serait une des raisons de ces pénuries très ponctuelles. « En 2011, nous avons été confrontés à un taux d’évaporation de nos draps de 7 %, et cette tendance s’accroît dans les 2 premiers mois de 2012 », explique Jean-Charles Grupeli. Selon le directeur du SCB, beaucoup de draps souillés sont mis à la poubelle, alors que les machines de l’AP-HP, qui lavent à 95°, répondent à toutes les exigences en terme d’hygiène. La literie se perd aussi lors des transferts des patients, notamment en ambulance, quand elle n’est pas volée.
Les services de lingerie internes aux hôpitaux, qui n’ont pas la possibilité de compter les linges sales, sont démunis. Et certains se plaignent, à demi-mot, de l’utilisation que les services médicaux font des tissus. « Si le personnel gère mal le stock, se sert de draps pour éponger du liquide, ou garde le sale, ça pose problème ». Un argument que réfute Marie-Christine Fararik : « On nous a accusés de faire des banderoles avec ! » Pour la secrétaire générale de Sud, il n’y a pas de coupable désigné à ces pénuries qui touchent même les vêtements du personnel. Mais elle fait le lien avec les suppressions d’emploi, 1 000 par an depuis 2008, selon elle. « On a commencé par éliminer les métiers invisibles : le personnel du linge et du triage ».
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