« MONSIEUR ÉVIN, nous ne nous laisserons pas faire ! Nous ne sacrifierons jamais notre qualité et notre éthique ». L’association Ambroise Croizat (issue du syndicalisme CGT), gestionnaire de l’hôpital Pierre Rouquès/Les Bluets, un établissement à but non lucratif de l’est parisien qui a construit depuis 60 ans sa notoriété sur une approche novatrice et humaine de la santé (méthode psychoprophylactique de l’accouchement sans douleur, savoir-faire dans l’approche de la naissance et l’accompagnement à la parentalité, attribution du label d’allaitement « ami des bébés » en 2008...), lance aujourd’hui un cri d’alerte en direction du directeur de l’ARS d’Ile-de-France. Avec le soutien de la direction de l’hôpital, du personnel, des syndicats de salariés et d’associations de patients, l’association gestionnaire se mobilise pour sauver l’« identité » et les « valeurs » de cet établissement confronté à de lourdes difficultés financières alors même que son activité croît fortement (2 800 accouchements contre 1 900 en 2006). De quoi s’agit-il ?
« On ne parle pas le même langage ».
Les déficits accumulés (de l’ordre de 4 millions d’euros) pèsent sur la trésorerie. Un premier plan de retour à l’équilibre a permis de colmater quelques brèches en 2009. Mais dans cette période difficile de redressement (le nouveau budget prévisionnel s’établit en déficit de 800 000 euros malgré les efforts pour augmenter l’activité et réorganiser les services), les exigences de l’ARS francilienne ont douché tous les espoirs. La tutelle ponctionne chaque mois 40 000 euros sur les recettes T2A de l’établissement (pour remboursement d’avance), elle refuse d’accompagner financièrement le deuxième plan d’action pour retour à l’équilibre (800 000 euros) et entend amputer une partie du budget (20 %) octroyé au titre des MIGAC. Sans compter la diminution régulière du tarif de certains actes. « Nous avons à faire face à une tentative de destruction de cet établissement, résume Daniel Gouttefarde, président de l’association gestionnaire. On nous demande de singer le secteur privé lucratif. Nous ne parlons pas le même langage. Nos interlocuteurs disent ratios, productivité, économies, alors que nous parlons de prévention, de qualité, d’accompagnement de la personne, de respect de ses choix et de ses rythmes. »
Actif dans ce combat, le directeur de l’hôpital, Michel Carré, cite « trois exemples » illustrant un discours de rentabilité devenu « insupportable ». Le premier concerne le coût des IVG pratiquées aux Bluets. Alors que « les cliniques privées réalisent 80 % de leurs IVG par interruption médicamenteuse (...) », la pratique aux Bluets, guidée par le choix des femmes, « amène à 50 % d’IVG au bloc, 25 % d’IVG sous anesthésie locale et 25 % d’IVG médicamenteuse », explique le directeur. Deuxième exemple : la durée moyenne de séjour (DMS) après l’accouchement. « Vouloir nous faire descendre toujours plus cette DMS devient dangereux et non respectueux de la prévention de santé publique », explique Michel Carré. Troisième illustration : l’expérimentation de maison de naissance également mise en cause par l’ARS.
La logique de financement à l’activité, enfin (surtout), est ouvertement mise en cause. La T2A ne favorise pas un établissement à mono activité comme les Bluets. Certaines prises en charge particulière (de prévention, préparation à la naissance...) ne rentrent pas dans les « cases » de la T2A, expliquent ples médecins. Pour le Dr Evelyne Petroff, gynécologue-obstétricienne aux Bluets, « non seulement la T2A casse le service public mais elle casse la conception transversale d’éducation à la santé et d’accompagnement des patients qui est si importante. Ce mode de financement, qui vise à transformer les hôpitaux en plateaux techniques, est en train de changer notre médecine qui mêle la réflexion sur la pathologie et sur l’humain ».
L’association gestionnaire de l’établissement a réitéré sa demande de rendez-vous à Claude Évin « dans les plus brefs délais ». Elle invite les médecins, personnels et usagers à se mobiliser massivement le 2 avril, journée nationale d’action pour le service public de santé.
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