LE QUOTIDIEN – Pourquoi la FHP cherche-t-elle à rénover les relations entre les cliniques et les médecins qui y exercent, au travers d’un nouveau projet médical (« le Quotidien » du 23 septembre) actuellement en débat ?
JEAN-LOUP DUROUSSET – Notre modèle jusqu’à présent était exemplaire. L’hospitalisation privée a eu le vent en poupe entre 1975 et 2005. Ces trente glorieuses, on les doit au modèle très efficient de relations entre l’hospitalisation privée et les médecins. Un modèle basé sur la responsabilité, l’adaptabilité et la disponibilité des médecins – contrepartie de leur indépendance et de leur liberté –, et basé sur une convergence d’intérêts très forte entre les établissements et les médecins, grâce au paiement à l’acte. C’est ce modèle qui a permis à l’hospitalisation privée de se développer, et de réaliser 60 % de la chirurgie en France. Mais les choses ont évolué depuis quelques années. Notamment la pratique médicale. On se préoccupe davantage, et c’est normal, de prévention, d’éducation thérapeutique, d’accompagnement psychologique. Autres facteurs clés, la diminution de l’actionnariat médical (il y a 40 % de médecins propriétaires aujourd’hui en MCO, contre 70 % il y a 30 ans), l’absence de formation des internes dans le secteur privé, et l’entrée dans les missions de service public. Tout cela nous conduit à repenser les relations médecins-cliniques. La FHP a mené des travaux qui débouchent sur un constat : la transparence sur la qualité des soins et la tarification nous fait défaut. Notre commission sur la transparence a fait des propositions (voir encadré) dont nous débattons au sein du CLAHP (comité de liaison et d’action de l’hospitalisation privée, NDLR) avec les syndicats médicaux représentatifs. Car on fonctionne avec et pour les médecins, jamais contre eux.
Le secteur II est-il devenu très pénalisant pour l’hospitalisation privée ?
Nous comprenons les revendications des médecins, qui ont perdu en niveau de vie. On les a incités au secteur II et après, on leur jette des pierres. En réalité, c’est l’assurance-maladie qui s’est désengagée, plutôt que les médecins qui ont dérapé. Ceci étant, le secteur II, effectivement, nous inquiète. Le risque majeur, c’est une difficulté à accéder aux soins dans nos établissements. Les gens hésitent à venir en clinique. Les dépassements d’honoraires, qui évoluent nettement à la hausse, mais aussi la tarification à l’activité, qui a dynamisé les hôpitaux publics, ont fait perdre des parts de marché à notre secteur (- 3 % sur l’obstétrique et - 1 % sur la chirurgie en 2008). Notre rôle n’est pas de fixer le montant de la rémunération des médecins, mais d’alerter sur le fait que les dépassements d’honoraires conduisent à une divergence d’intérêts entre les médecins et les établissements. Il faut revenir à une convergence d’intérêts.
En allant jusqu’à intégrer les revenus des médecins dans les tarifs hospitaliers, comme c’est le cas à l’hôpital public ?
C’est une solution radicale que nous ne préconisons pas. Distinguer la rémunération du médecin de celle de la clinique est gage d’efficience. En revanche, nous pensons que les spécialistes devraient parler entre eux de leurs montants d’honoraires. L’excès des dépassements pénalise tout le monde. Un accord sur le secteur optionnel serait idéal. En cas contraire, la FHP ouvrira une négociation avec les syndicats médicaux pour aboutir à la transparence. Dans le cadre non pas d’un devis individuel, mais d’un contrat d’hospitalisation, dans lequel figurent la liste des praticiens qui vont intervenir, et leur tarification. Ce contrat permettrait au patient d’estimer le coût complet de son hospitalisation, et d’éviter les surprises à la sortie. Dans le même temps, la FHP est prête à soutenir les syndicats médicaux dans leurs revendications financières (CCAM, permanence des soins, missions transversales...). Nous avons demandé à l’État et à l’Assurance-maladie d’être présents aux négociations conventionnelles. Pas forcément pour y participer, mais pour pouvoir exprimer notre point de vue.
Les médecins ont-ils envie de vous voir à ces négociations ?
Ils nous répondent qu’il y a déjà beaucoup de monde autour de la table. On bascule sur un autre débat, celui du financement de la santé en France. La FHP formulera des propositions à ce sujet en fin d’année. Il faut que les médecins libéraux, en particulier les chirurgiens et les obstétriciens, aient une juste rémunération. Ce que nous constatons, c’est que l’Assurance-maladie ne peut plus couvrir les actes des chirurgiens à 100 %. Là, on laisse croire qu’elle le peut. Pourquoi ne pas faire intervenir les assureurs complémentaires dans la négociation conventionnelle ? Cela ne nous choque pas, s’ils sont prêts à mettre l’accent sur la qualité des soins et la transparence. L’Assurance-maladie freine des quatre fers, mais il faudra bien avoir ce débat. Et nous disons : « Si vous êtes trois, vous ne pouvez pas parler sans nous. Il faut être quatre à la discussion ». Maintenant que les hôpitaux et les cliniques réalisent les mêmes missions de service public, il faut voir qu’un tel scénario aura un impact sur la rémunération des médecins à l’hôpital public. Vaste débat en vue !
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