LE PREMIER FOCUS concerne la Pennsylvanie. Cet État est doté d’un système de soins exemplaire, décloisonné et intégré. Le système, baptisé Geisinger, n’était au départ qu’un petit hôpital fondé en 1915 pour 40 000 dollars, au milieu de nulle part. Aujourd’hui, Geisinger emploie 44 000 médecins. Il regroupe plusieurs dizaines d’hôpitaux, centres de soins primaires et centres de réadaptation. La grande majorité (80 %) de la population de Pennsylvanie est prise en charge par ce dispositif.
Depuis 2006, Geisinger a mis en place des forfaits par épisode de soins. Explications du Dr Thomas Graf, médecin-conseil principal de Geisinger Health System : « Nous avons développé un modèle. Le payeur, qu’il s’agisse d’un assureur privé ou du gouvernement, paye un forfait. Après, c’est fini. Cela force les médecins des hôpitaux à travailler ensemble ».
Centré au départ sur l’insuffisance cardiaque, le programme a été élargi à de nombreuses prises en charge.
Une « carotte » est distribuée aux médecins méritants : une prime de 500 dollars pour ceux qui ont amélioré leurs résultats cliniques. Jusqu’à 20 % des revenus mensuels des praticiens dépendent de leur contribution aux économies accomplies.
Avec plusieurs années de recul, quel est l’impact d’un tel programme? La mortalité clinique a baissé de façon significative, les réadmissions ont diminué de 40 %, et les coûts ont été réduits. « L’assureur paye 5 % de moins. C’est formidable, tout le monde a gagné », résume le Dr Graf. Qui ajoute : « Il ne s’agit pas de refuser des soins pour faire des économies ».
Effets inattendus.
Second exemple américain, à l’initiative du régime Medicare, qui prend en charge les personnes de plus de 65 ans. Medicare a mis en place plusieurs programmes de paiement à la performance pour les hôpitaux. À la clé, des bonus ou des malus, selon les résultats cliniques et financiers.
Les établissements qui par exemple rechignent à déclarer leurs indicateurs de performance en ligne (sur le site "medical hospital compare"), se voient appliquer une pénalité de 2 %. Ceux qui investissent dans les systèmes d’information peuvent espérer un coup de pouce tarifaire. Chaque année, de nouveaux programmes sont lancés. Un mauvais taux d’infection nosocomiale se traduira par une pénalité de 1 %.
À quoi servent ces programmes d’incitation? « Les résultats sont limités, et pas vraiment très clairs », concède le Dr Thomas Valuck, ancien conseiller senior qualité hospitalière chez Medicare. Point positif : les gestionnaires de la qualité dans les hôpitaux sont enfin reconnus par les directions financières. A contrario, des effets inattendus surgissent, par exemple une surutilisation d’antibiotiques en cas de sonde urinaire.
L’empilement des programmes incitatifs crée de la confusion chez les managers. La culture médicale connaît aussi quelques résistances. « Quand les incitations sont faibles, les médecins négligent parfois des opportunités pour participer à ces programmes », observe le Dr Valuck.
Le système est critiquable. Aucun ajustement n’est en place pour ne pas pénaliser les hôpitaux qui soignent des populations défavorisées. Victor Rodwin, professeur de santé publique à New York, ajoute que les process et protocoles de soins ne font pas tout. « La France ne dispose pas de tels indicateurs de performance et pourtant son taux de mortalité évitable est bien meilleur que celui des États Unis », nuance-t-il ainsi.
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