Alors que la féminisation de la médecine poursuit sa course folle - de 24,5 % en 1984 à 50 % en 2022, 60 % chez les moins de 40 ans en 2020 -, hommes et femmes semblent diverger dans certains aspects de leur pratique… ce qui pourrait retentir sur la mortalité des malades.
Au Canada, des scientifiques ont examiné la mortalité postopératoire sur une cohorte de 1,3 million de patients pour 21 types d’interventions courantes entre 2007 et 2019. Selon leur étude, les meilleurs résultats sont obtenus quand les opérateurs sont des femmes. Le « gap » est plus marqué pour les femmes prises en charge par des hommes, dont le risque de décès postopératoire est accru de 32 % (1).
Un constat partagé par une autre étude canadienne menée par l'Université McMaster sur 171 000 patients et 172 médecins, entre avril 2010 et octobre 2017 (2). Les scientifiques ont découvert que, lors d’une hospitalisation toutes causes confondues, 4,8 % des patients traités par des femmes étaient décédés contre 5,2 % pour ceux pris en charge par leurs collègues masculins. Les praticiens semblent être plus performants envers leur propre « sexe », mais là aussi la différence se révèle plus marquée pour les hommes (différence de mortalité hommes/femmes de 0,7 % versus 0,2 %).
Dans les maladies cardiovasculaires, une étude américaine (3) dévoile que les personnes ayant fait un infarctus ont plus de chances de survivre si elles sont traitées par une femme médecin à l'hôpital. En 19 ans, sur 580 000 patients étudiés, presque 13 % sont décédés après avoir été traités par des praticiens masculins contre 12,1 % par leurs consœurs.
En gériatrie, les personnes âgées traitées par des femmes sont moins susceptibles de mourir dans les 30 jours suivant leur admission, ou d'être réadmises dans les 30 jours suivant leur sortie, révèle une étude menée sur plus de 1,5 million de patients hospitalisés par l’école de santé publique de Harvard (4). Quelques points de pourcentage peuvent sembler dérisoires. Toutefois, lorsqu’ils concernent des cohortes de millions de patients, ils représentent rapidement des dizaines de milliers vies. Ici, les chercheurs ont estimé que si les médecins masculins obtenaient les résultats de leurs collègues féminines, il y aurait 32 000 décès de moins chaque année aux États-Unis pour les patients Medicare.
Une opportunité de changement
Une étude québécoise sur 870 médecins généralistes apporte quelques explications à ces décalages. Dans leur prise en charge du diabète (5), les praticiennes prescrivent plus souvent les médicaments recommandés, planifient plus régulièrement les examens requis. Les trois quarts exigent de leurs patients qu'ils passent un examen ophtalmologique contre 70 % de leurs confrères ; 71 % d'entre elles avaient prescrit les médicaments recommandés contre 67 % des hommes.
Mais les observateurs semblent d’accord sur un point : les choses bougent. « Les hommes sont ouverts au changement, spécifiquement les plus jeunes, déclare la Dr Félicia Joinau-Zoulovits, cheffe du service de gynécologie-obstétrique à l’hôpital de Montfermeil. Plus les données attestent que la féminisation des pratiques est susceptible de sauver davantage de vies, plus nous optimisons les chances de changement. »
(1) C. Wallis et al, Jama Surg, 2021. doi:10.1001/jamasurg.2021.6339
(2) Publié le 16 juillet 2021 sur le JAMA Health Forum
(3) B. Greenwood et al, PNAS, 2018. doi.org/10.1073/pnas.1800097115
(4) Y. Tsugawa et al, Jama Intern Med, 2017. doi:10.1001/jamainternmed.2016.7875
(5) R. Borgès Da Silva et al, Revue d'Épidémiologie et de Santé publique, 2013. doi:10.1016/j.respe.2013.07.021
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